Dernière ligne droite. Je n'ai pas accès à mon classique jus d'orange matinal (plus de sous, je le rappelle !) et vais passer ma journée à régler les modalités de mon retour (pour information, il est très délicat de recevoir un mandat sans carte d'identité !).
Une fois n'est pas coutume, j'assiste à la conférence de presse du festival dans les jardins d'un grand hôtel (les mauvaises langues diront que c'est pour profiter du buffet, mais pas du tout, c'est très instructif !), en présence de Vince Power (directeur de Maraworld, organisateur du FIB) et de la Mairesse de Benicàssim.
Après la classique séance d'énumération de chiffres (40 000 festivaliers par jour en moyenne, 20 000 campeurs, 200 médias accrédités), le sujet principal de discussion et d'inquiétude est l'augmentation de la TVA Espagnole touchant notamment les festivals (passant de 8 à 21%), qui sera directement impactée sur le prix des billets l'année prochaine... Pas glop.
Direction le Recinto pour cette dernière soirée, qui s'annonce assez tranquille, à l'exception du concert de New Order (et pour les afficionados, celui de David Guetta...). J'attaque en douceur par les Espagnols de Thee Brandy Hips qui délivrent une pop colorée aux sonorités voisines de Vampire Week End.
Originaires de San Sebastian, ils viennent de sortir un album remarqué Raincoat.
Après cette sympathique introduction, je file vers la scène Trident Senses pour écouter un énième clone Anglais de la famille des groupes en "The", en l'occurrence The Crookes, en provenance de Sheffield et encensés par la presse Britannique à leur début.
Il y a de la voix, de l'énergie, de l'attitude... tout y est mais ça tourne un peu en rond...
Retour donc vers le FIB Club pour assister à la prestation beaucoup plus originale de The Antlers, groupe américain basé à New York.
Biberonnés à Radiohead, ils construisent leurs titres sur des montées progressives de guitares et un chant lascif et haut perché. L'exercice est parfaitement maîtrisé et l'heure de leur programmation se prête au recueillement sous le soleil brûlant de fin d'après-midi.
J'enchaîne rapidement avec les Anglais de Spector : malheureusement le son est très moyen, la basse sur-dosée... Le chanteur, porteur d'une chemise à fleur improbable, est calibré pour la jeunesse UK et fait preuve d'un certain humour façon Eddie Argos d'Art Brut. Je ne m'attarde pas ; la soirée sera manifestement vagabonde, d'une scène à l'autre, à la recherche illusoire d'un son un tant soit peu nouveau...
Je rejoins la grande scène où le concert de The Vaccines se prépare sur fond de toile géante à l'effigie des trois membres du groupe, rappelant un peu Placebo. Humilité, quand tu nous tiens ! Les Londoniens, auteur d'un premier album l'an passé (What Did You Expect From The Vaccines ?, ben justement pas grand chose de mon côté !) distillent un rock sympathique, malgré la voix fatigué de leur chanteur Justin Young. Il faut reconnaître que leur prestation est de loin la plus intéressante de la soirée parmi les ressortissants Britanniques. Le public, comme toujours, réagit d'ailleurs avec ferveur et fredonne joyeusement la plupart des titres.
Après une très rapide écoute de quelques morceaux de Stevie Jackson, histoire de conforter mon jugement sur le fait que Belle & Sebastian, c'était chouette mais que s'en échapper n'est pas forcément le choix le plus judicieux, je retrouve la scène Maravillas pour le concert du prodige Anglais Ed Sheeran.
Je dois reconnaître humblement que je n'avais jamais entendu parler de lui avant et que sa frimousse d'enfant de chœur, allié au fait qu'il se produit seul avec sa guitare me laissaient redouter le pire. Dès le premier titre, je prends une claque phénoménale, renvoyant mes préjugés de l'autre côté de la frontière ; le jeune rouquin de 21 ans tient la scène pourtant impressionnante sans la moindre appréhension, sa voix est sublime et son jeu (basé sur une pratique de sample très maîtrisée, façon Joseph Arthur) assez bluffant. Passant du folk, au rock (voire même au hip-hop quand il se met à scander son texte à la vitesse de l'éclair) avec une facilité déconcertante, il étire ses morceaux à l'envie, en jouant (un peu trop peut-être) avec un public karaoké, tout acquis à sa cause. Comme toujours avec ce type de performance, l'ennui finit par poindre une fois passé l'étonnement mais on comprend pourquoi le jeune homme a raflé le titre de meilleur jeune talent en Angleterre.
Après cette démonstration de force, place à la légende New Order. Après le show de Peter Hook en 2010 rejouant avec maestria le Unknow Pleasures de Joy Division, c'est au tour de ses anciens collègues (avec lesquels il est fortement brouillé) de se rappeler à notre bon souvenir. L'entrée sur scène est à l'image du concert, pompeuse et grandiloquente, sur fond du morceau "Ecstasy of Gold" (tout un symbole !) extrait du Bon, la Brute et le Truand d'Ennio Morricone. Pour en remettre une couche, Bernard Sumner croit bon de rajouter : "We are obviously New Order". Waouh, les bases sont posées...
Le magnifique instrumental "Elegia" fait illusion l'espace d'un instant, sur fond de vidéos et de jeux de lumière millimétrés. Sublime. S'en suit le tubesque "Crystal" (il semble que leur setlist ne varie pas d'un pouce sur leur tournée 2012) et c'est là que les ennuis commencent : la voix de Sumner n'est que l'ombre d'elle-même et les arrangements ronds et grassouillets. Le rythme et la puissance qui faisaient le charme du morceau sur album ont disparu pour laisser place à une relecture plan-plan s'accordant parfaitement à la chorégraphie malhabile et sautillante de Sumner. Le bassiste remplaçant fait ce qu'il peut mais les poses de Peter Hook manquent cruellement.
Bref, ça sent un peu le renfermé et tous ces morceaux que l'on a choyés nous semblent désormais très ancrés dans le passé. Séquence émotion, le concert est dédié au pauvre Ian Curtis (dont ce serait l'anniversaire ce soir), qui doit se retourner dans sa tombe devant tant de lourdeur. Les tubes défilent "Ceremony", "Bizarre Love Triangle"... L'introduction de "Blue Monday" toujours aussi efficace nous offre tout de même un instant de bonheur et excite le dancefloor.
Le concert s'achève sur une version presque disco de "Love Will Tear Us Apart", à comparer avec celle de Peter Hook en 2010, tendue et sombre.
Le FIB se termine pour moi sur cette déception. Pour la forme, je quitte les lieux en passant devant la scène où David Guetta lutte avec ses platines. La foule est en liesse devant les beats assénés par le Français. Je ne comprends pas tout, mais comme l'a si bien expliqué Mr Power à la conférence de presse du festival, le cœur de cible est la tranche 18-28 ans !
En conclusion de ces quatre jours de fête, 18ème édition, l'âge de la maturité mais pas forcément de raison... La tendance relevée ces dernières années se poursuit : beaucoup de pop rock Anglo-saxonne et de techno, moins de rock, moins de risque... Quelques bonnes surprises tout de même et d'agréables retrouvailles toujours sous un soleil radieux. L'organisation promet un anniversaire digne de ce nom pour les 20 ans du festival en 2014, tout en rappelant les contraintes budgétaires. D'ici là, espérons que l'édition 2013 saura retrouver un peu de son allant passé. Les dates sont déjà annoncées : 18-21 juillet 2013, avec un bon rabais sur le prix pour les plus rapides. |