Sous un temps nettement rafraîchi et un ciel plus menaçant, Judah Warsky et ses synthés réveillent les corps fatigués en douceur (décidément, cette petite scène a du bon).
Les Cloud Nothings prennent le relais et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça démarre sur les chapeaux de roue ! Produits par Steve Albini (rien que ça), ils proposent un rock à la croisée des College Radios et du Grunge, convoquant tour à tour l’esprit de Weezer, Nada Surf et Nirvana avec une fraîcheur qui fait du bien !
Les quatre membres du groupe, aux allures d’adolescents, jouent les prolongations dès leur premier titre comme si c’était le dernier et que leur vie en dépendait. Une belle découverte.
Dans la catégorie "éternel adolescent décontracté", la palme est attribué à Stephen Malkmus ! Fidèle à lui-même, l’ancien Pavement entouré de ses Jicks est venu faire un petit bœuf entre amis. Rien ne semble pouvoir le déstabiliser, surtout pas les injonctions de quelques festivaliers avinés. Je n’ai jamais vraiment été fan de son rock aux mélodies peu immédiates mais il faut bien reconnaître que sa cool attitude est irrésistible ! Il finit même son set en présentant le groupe avec humour dans un Français hésitant : "aux claviers, Jean-Michel Jarre et je suis Alan Stivell, j’habite pas très loin".
Après cette bonne poilade nostalgique, l’électronique des Chromatics envahit les lieux. Le terme "envahir" est peut-être un peu fort tant le groupe, à l’image de sa belle chanteuse, semble pétrifié par l’enjeu et à l’air de ne pas vouloir déranger. Leur musique plutôt légère et dansante contraste terriblement avec leurs visages concentrés et graves. Heureusement, le set monte progressivement en puissance à mesure que les natifs de Portland gagnent en assurance. La voix lascive et éthérée de Ruth Radelet fait des merveilles (mais pourquoi vouloir se donner une caution musicale en jouant trois notes au clavier et deux accords de guitare ?). Le final est magnifique et dénote d’une certaine finesse avec une reprise soignée de Kate Bush et une version classieuse du "My My Hey Hey" de Neil Young.
La place est faite pour le retour attendu de Mazzy Star, groupe ancré éternellement dans nos mémoires post adolescentes. Un seul mot : magnifique. A l’image de Dominique A le vendredi (la simplicité en moins), le groupe va nous procurer un pur moment de bonheur. Sur fond de sublimes cartes postales sépia et sous une lumière tamisée, le groupe entre en scène progressivement, la dernière à faire son apparition étant bien sûr Hope Sandoval. La voix est toujours aussi envoûtante ("Fade Into You" fait son petit effet), les envolées donnent la chair de poule. Le son est d’une pureté absolue, les guitares sont claires, acérées et montrent parfois les dents. Devant tant de classe, on ne peut que pardonner le manque de communication et les caprices de la Diva Hope Sandoval (verre de vin rouge régulièrement rempli par un roadie, poses lascives et pénombre imposée magnifiant ses courbes, lissage de cheveux...). Après un set parfait, rempli de classiques, le groupe s'efface sans un mot, comme ils étaient venus, sur la pointe des pieds. On se réveille.
Entendu juste après le concert "c’est dur de se dire que c’est sans doute la dernière fois qu’on les voit". C’est pas faux.
Le saxophone de Colin Stetson (et sa technique de souffle continu assez étonnante) fait une douce (quoiqu’un peu longue) transition pour le rock classieux des Walkmen. Leur disposition scénique est un peu surprenante, le groupe se partageant une moitié de scène, l’autre moitié étant réservée à leur élégant guitariste (puni ou mis à l’écart pour lui donner plus de volume ?). Leur set va piocher principalement dans leur dernier opus Heaven qui se rapproche dangereusement de la musique de stade (dommage, on aurait aimé un peu plus de finesse, notamment au piano, avec un "Wake Up" oublié par exemple). Le set s'achève tout de même brillamment avec le désormais classique et briseur de cordes vocales "All Hands and the Cook" (leur "Mr November" en quelque sorte).
Les conditions sont réunies pour finir le festival une fois n'est pas coutume par du bon rock garage avec la révélation 2012 : l’américain Hanni El Khatib, remarqué lors de son passage au Primavera de Barcelone. Il ne laisse rien voir de son agacement de passer en dernier et se présente désormais en trio avec une nouvelle batteuse très énergique (malheureusement ça se sent, le couple manque un peu de rodage). Le set est sec, tendu mais un peu gâché par une réverb sur la voix, utilisée à outrance. Le garçon est talentueux, il le sait et cabotine méchamment (ça tourne parfois à la démonstration) et si on ne peut s’empêcher de penser aux White Stripes, la route est encore longue avant de rejoindre Jack. A suivre en tous cas.
Sans conteste la meilleure soirée du festival. Une édition marquée par une affluence très réduite (crise oblige, manque de "grosse" tête d’affiche et sans doute aussi les esprits échaudés (si on peut dire…) par les trombes d’eau de l’édition précédente). Espérons que les finances ne soient pas trop profondément asséchées, car parole de fidèle depuis 1997, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas autant vibré à Saint-Père ! |