Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce Brèves saisons au paradis
Claude Arnaud  (Editions Grasset)  septembre 2012

Avec "Brèves saisons au paradis", Claude Arnaud livre le deuxième volet d'une passionnante immersion biographique avec un arrière-plan proustien en ce qui concerne la vie comme matériau de la littérature, elle-même appréhendée comme un outil de médiation du moi, qui revêt la facture classique du roman d'éducation.

"Qu’as-tu fait de tes frères ?", paru en 2010, traitait de ses années de jeunesse, au coeur des seventies, bouleversées par l'implosion tragique de sa fratrie.

Les brèves saisons au paradis retracent les années d'apprentissage et relatent son éducation sentimentale, sa quête identitaire à travers les vicissitudes d'un moi multiple - l'identité étant entendue comme un processus de construction subjective - et sa posture d'écrivain en devenir ("mon besoin de tester des formes inédites d'existence, afin de donner à ma vie l'allure d'un récit dont j'écrirais chaque chapitre").

Et, le narrateur devenant lauréat du Prix de Rome, elles s'achèvent presque par le célèbre voyage des grands hommes en Italie.

En changeant de décennie, le narrateur Claude au prénom unisexe et au physique androgyne qui se faisait appeler Arnulf, militant gauchiste et chantre de la libération sexuelle, reprend le chemin de l'université et des études littéraires sous l'impulsion d'un amour et d'une nouvelle utopie "fondée non plus sur des lendemains qui chantent, mais un présent qui comble", celle d'un triolisme masculin épanoui au sein d'un cénacle d'artistes et d'intellectuels, qui lui permet de rester parmi "les ennemis du quotidien banal des familles, du train-train des bureaucrates et du carriérisme des petits artistes".

Redevenu Claude, il opte pour le "statut de garçon à garçons" ("Je veux même croire, dans mon cas, que ma vie est réellement mon oeuvre : en mettant en avant ce désir-là, plutôt que l'autre, j'ai opté pour ce que j'avais de meilleur") partageant un amour réciproque avec Jacques, un trentenaire brillant à "l'intelligence souveraine" et directeur d’une revue de cinéma qui vit avec Bernard, un quinquagénaire "qui a renoncé à la littérature pour faire une sorte d'œuvre de sa vie" et que la naissance a doté de charme, d'esprit et d'une aisance patrimoniale, lui permettant d'entretenir un cénacle effervescent.

Ce qui entraîne l'évocation d'un happy few du Paris des années 80 dans le ciel duquel passent des étoiles filantes qui avaient tout pour devenir glorieuses et qui ne seront que d'anonymes météorites, une galerie de personnages dont un comédien aisément identifiable, "le cyclone Robert" dont "le génie sort sans cesse de sa bouteille", un témoignage sans nostalgie larmoyante sur les fameuses années Palace, l'embellie du 20ème siècle même si elle sera irrémédiablement fauchée par le sida dont il analyse avec lucidité les ravages ("Ils forment l'avant-garde de cette armée de spectres et de zombies, de faux cisterciens et de vrais croquemitaines qui hantent Paris ; jamais peste n'a frappé autant de victimes si désirables, si enthousiastes à la propager aussi").

Sans oeuvrer dans le roman générationnel, Claude Arnaud montre comment les années 80 - placées sous le signe d'un hédonisme exacerbé, d'un consumérisme effréné et et d'un "appétit de pouvoir [qui] se cache sous le désir rimbaldien" - constituent le symétrique des années 70 qui étaient celles des grandes espérances collectives.

Il apporte également un éclairage singulier sur l'intériorisation affective qui existe dans les amours homosexuels qui, en l'espèce dans son cas, ressortit tant de l'éducation sentimentale que de la construction de soi à partir de la transposition des schémas fondateurs.

Avec cet amour qui l'enchante, il découvre le bonheur d'aimer ("J'aime aimer, moi qui craignais d'en être incapable"), qui s'avère également un remède souverain contre l'angoisse ("... l'amour donne à ma vie une plénitude que je n'aurais cru possible que dans un improbable au-delà"), et de vivre par procuration ("éprouvant plus de joie à ses succès qu'aux miens, j'ai trouvé le principe sur lequel régler ma vie : je suis devenu moi-même en me faisant partiellement lui").

Et il joue le Peter Pan au sein de cette cohabitation heureuse, et parfois ambigüe, entre trois générations différentes ("un antimonde ouvert, n'obéissant qu'à ses propres lois d'un labyrinthe lumineux dont Bernard serait le Minotaure, Jacques le Thésée et moi-même, l'Ariane, tous deux charger d'attirer de nouvelles proies") avec Bernard comme père qu'il s'est choisi.

Avec la stabilité existentielle de l'un et la fermeté intellectuelle de l'autre, le narrateur revient vers l'aisance bourgeoise, toutefois pas celle de la petite bourgeoisie sclérosée vilipendée par mai 68, mais la bourgeoisie intellectuelle avec ses artistes bohèmes, précurseurs des bobos, et dans ce cénacle, dans lequel il se sent comme "un Rubempré heureux persuadé que l'art suprême est de savoir vivre", il trouve une nouvelle fratrie ("Le plaisir de frotter mon esprit à d'autres silex ravive le souvenir de mes joutes oratoires vertigineuses avec mes frères").

Et à la fin de cet amour qui va briser le "trouple", à la douleur d'être comme il l'écrit "répudié comme objet de désir", succèdera une nouvelle naissance - "En m'expulsant de sa vie, il m'a accouché au forceps" - une rupture qui va engendrer de nouvelles novations tant sur le plan psychique, intellectuel que sexuel pour aborder de nouvelles vies, lui qui ne peut se résoudre à ne vivre qu'une vie, à l'aube, peut-être, des années de maîtrise.

Dense, maîtrisé, "clairvoyant", ce roman autobiographique qui sonne le glas d'une époque et augure d'un écrivain en devenir est écrit avec autant d'acuité que d'intelligence. A lire donc, assurément.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "Proust contre Cocteau" de Claude Arnaud


MM         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :


# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=