Comédie dramatique écrite, mise en scène et interprétée par Clément Bresson, Sébastien Pouderoux et Marie Rémond.

Une table de petit-déjeuner est dressée. Trois bols et une bouteille de lait. Ce sont les seuls éléments qui occuperont le plateau tout au long de ce spectacle atypique. Pour cette création collective, les trois comédiens ont opté pour la simplicité et mis l’accent sur les émotions.

André c’est André Agassi bien-sûr, le tennisman connu pour ses tenues bariolées et non conventionnelles. Avec, en fil rouge, le dernier match de sa carrière en seizième de finale de l’US Open, "André" raconte de manière chaotique le destin d’un homme et toute sa vie consacrée au tennis qu’il détestait, évoquée à travers cette journée particulière.

De son enfance où il fût conditionné dès le plus jeune âge pour devenir un champion, ses années d’apprentissage loin de chez lui chez le grand Nick Bollettieri et son académie à fabriquer des champions, jusqu’à son quotidien de star où le moindre déplacement demeure contrôlé par ses entraîneurs, on ressent parfaitement le dégoût du jeune homme pour son sport, toute sa vie étant dans cette contradiction entre l’usage de ses dons assortis du mental de gagnant qu’on lui a inculqué, et l’aversion pour ce formatage qu’on exerce sur lui.

Prisonnier d’un personnage qu’il s’est créé pour pouvoir exister et d’un système qui le prive totalement de liberté, André nous touche éminemment.

Marie Rémond, sans rechercher l’imitation, propose à sa façon une plongée dans la tête du "Kid de Las Vegas" à qui elle prête sa fragilité et son jeu tout en subtilité pour exprimer les doutes de l’homme, ses blessures et ses compromissions. Elle oscille sans cesse entre drôlerie et gravité dans un travail sensible et plein de grâce.

Quant à ses deux acolytes, ils sont parfaits également. Tel un duo clownesque, Clément Bresson dans les rôles de "grandes gueules" (le père d’André ou Nick Bollettieri) et Sébastien Pouderoux dans des personnages plus légers et saugrenus (son frère nettement plus doué pour les maths que pour le tennis ou même Brooke Shields) entourent la comédienne et donnent le rythme à cet ouvrage inclassable et surprenant où les scènes hilarantes ou cruelles s’enchaînent avec fluidité.

La fin, bouleversante, fait définitivement entrer André Agassi au Panthéon des héros dramatiques. Et consacre ces trois comédiens d’une justesse et d’une générosité sans faille qui proposent avec cet "André" un spectacle sur l’être et le paraître poignant et captivant. Bravo.