Je m'imagine, enfant dans vingt ans, retrouvant dans un grenier familial la pile de disques de l'oncle David, comme j'avais découvert, enfant il y a vingt ans, celle de la tante Ursule. Au milieu, l'énigme jumelle de deux beaux vinyles blancs : For my parents.
Il faudrait retrouver un appareil capable de faire entendre la musique. Le problème serait le même avec la version CD, d'ailleurs. Le vingt et unième bien entamé aurait certainement largement consommé la dématérialisation musicale. Mais l'objet, impérieux, commanderait la persévérance.
La musique, elle, serait intemporelle. Je ne saurais rien de ce Wordless Music Orchestra qui accompagnait déjà Mono pour le live Holy Ground en 2010 et même, anonymement auparavant, dès l'album Hymn to the Immortal Wind (2009). Je ne saurais rien non plus de la demi-douzaine d'albums qui l'avaient précédés – ou de ceux, peut-être nombreux, qui l'auront suivi.
Les yeux fermés, je vivrais, certainement, l'un de ces moments de révélation musicale, inattendu emballement esthétique. Un univers s'ouvrirait, venu du passé. Dialogue aux airs d'éternité avec des musiciens probablement disparus, avec ceux qui les avaient aimés, comme des siècles auparavant.
For my parents. Le goût d'un avant, d'une époque exaltante maintenant couverte de poussière. La solitude silencieuse des malles fermées depuis de longues années, redécouvertes clandestinement, un après-midi d'ennui. Un cher disparu, peut-être. Et la naïveté des premières premières fois. Une culture musicale qui se forge, un amour naissant.
Il y a dans le nouvel album de Mono quelque chose de l'anticipation de cette nostalgie. Un univers fait de beauté, de nostalgie, d'amples apesanteurs, mélodies étirées – derrières lesquelles, certainement, on peut encore deviner quelque chose de la fureur des premiers âges du groupe, même si...
Ceux qui ne jurent que par les premiers albums du quartet japonais et qui trouvaient ses précédents développements trop pompeux feront aussi bien de passer leur chemin. Les explosions ici sont, encore une fois, aussi symphoniques qu'électriques, la musique taillée pour le velours d'un auditorium autant que le béton des salles de concert voûtées. L'ensemble a gardé son petit air de bande originale de film épique / de jeux vidéo d'aventures héroïques. Mais rien ne nous est si cher que ce que nous avons perdu, dans les replis du temps s'il se peut. Et Mono aussi, en grandissant, tourne petit à petit les pages de son passé, forgeant l'histoire de nos délicieux regrets... |