Le Black Dog. Un bar
métal de la rue des Lombards. Au bar d’improbables
look gothisants mais surtout les buveurs de bières du vendredi
soir, des paumés de banlieue venus se défoncer avant
d’aller au Furieux (?).
Au sous sol, dans la minuscule cave, les quatre membres de Trisomie
21 sont en dédicace avant leur show case donné en
coup d’envoi de promotion de leur nouvel album
Happy mystery child. Trisomie 21, groupe mythique composé
de Philippe Lomprez (chant), Hervé
Lomprez (composition, clavier, basse), Bruno Objoie (guitare) et Martin
Blohom, le petit nouveau.
Ils sont là, à deux mètres de leurs fans,
disponibles, aimables, devisant avec eux comme avec des amis. Après
nous être entretenus avec Olivier Lechevestrier, leur manager,
nous rencontrons Hervé Lomprez qui accepte de répondre
à nos questions.
Pourquoi 7 ans de silence ?
Hervé Lomprez : Nous avons toujours été
un groupe assez lent dans la création d’album parce
que ce n’est pas le fait de sortir des disques qui nous intéresse.
C’est surtout d’être contents de ce que l’on
fait. Ça prend du temps alors que sortir un disque peut aller
très vite. De plus travailler avec tous les remixers prend
un certain temps avant arriver au produit fini. Il y en a une trentaine.
Et puis nous avons également collaboré à beaucoup
de produits extérieurs notamment Indochine et Kenzo. A chaque
fois on accumule un peu de retard et en même temps il y a
toujours une évolution de la technique qui nous impose des
périodes d’adaptation. Et puis nous avons perdu du
temps, mais une perte bénéfique, le temps de mettre
un nouveau membre dans le groupe Martin Blohom qui est plus jeune
que nous et apporte son esprit et un son nouveau par rapport au
groupe.
Donc, il y a toujours eu du travail. Nous n’avons
jamais arrêté. En plus de cet album, il y a 6 autres
titres qui sont finis mais qui sont absolument pas dans la lignée
de ce qui vient de sortir. Moi je me sens plus à l’aise
dans les musiques planantes que dans les musiques rock et nous étions
partis dans une musique planante mais les morceaux sont été
enregistrés avec des orchestres philarmoniques. Mais on s’est
dit que si on continue les gens vont s’endormir très
bientôt.
Et donc nous avons fait appel à Martin qui
a trouvé que les idées étaient bonnes mais
que le résultat ne sonnait pas très actuel, de nouveau,
entre guillemets, par rapport à ce que l’on fait. C’est
philarmonique, toujours planant, il y a toujours la touche de Trisomie
et donc nous avons complètement retourné notre fusil
d’épaule. Et tout le monde dit que notre disque est
plus proche de "Chapter four" que des autres car la guitare
basse est présente sur au moins 9 morceaux et volontairement
, et il en est ainsi pour la première fois, il n’y
a aucun instrumental. Tous les titres sont chantés.
Mais par contre là où réside
la nouveauté pour nous c’est que nous avons respecté
les structures couplet-refrain avec des mélodies un peu plus
accrocheuses, avec des sons un peu plus modernes et avec également,
et c’est également la première fois, le groupe
sur la pochette. Ce que nous n’avions jamais fait. Et non
pas dans un besoin de reconnaissance mais parce que c’était
un nouveau concept d’album. Je pense que cela ne se renouvellera
pas. Nous sortons donc cet album. Ensuite sortira "The man
in the mix" qui comprendra cet album avec deux albums de remises
et dans six mois sortira "The woman is the mix" avec à
nouveau une trentaine de remixes faits par des filles.
Les morceaux crées avec l’orchestre
philarmonique sont-ils écartés ou se retrouvent-ils
dans l’album sous une autre forme ?
Hervé Lomprez : Ils sont achevés
mais pour le moment nous n’en faisons rien. Ils sont passés
en radio plusieurs fois sur Fun radio notamment à des heures
inécoutables mais ce sont des musiques qui sont beaucoup
plus proches de l’esprit de Maurice Jarre. Ce sont des instrumentaux
sans aucun chant, sans synthé, avec des cordes violon, contrebasse.
Ce nouvel album est donc construit comme un album
de pop ?
Hervé Lomprez : Nous voulons revenir à
quelque chose de rock. Ce qui explique aussi pourquoi nous passons
aujourd’hui en show case au Black Dog dans des petites salles
qui ne correspondent pas à notre image et en même temps
on veut que la tournée qui va démarrer soit rock.
Notre dernier spectacle La performance il y 6-7 ans était
une structure qui comportait beaucoup de vidéos, des danseurs
sur scène, des écrans géants ; nous étions
32 en tout sur scène, donc une énorme structure. C’était
beaucoup trop gros entre guillemets.
Nous préférons auourd’hui privilégier
la relation avec le public. Un endroit comme celui-ci est bien.
Et ce soir s’il y a quelqu’un qui vient prendre ma place,
il la prend, ça m’arrangerait. Je trouve cela convivial,
plus proche des gens qu’à l’époque Gohohako.
C’est dû aussi à la technique qui s’est
beaucoup améliorée en l’espace de 2 ans et permet
une certaine souplesse.
La structure est plus classique avec des synthés
mais aussi des guitares..
Hervé Lomprez : Ce n’est pas du tout
classique mais on ne le voit pas. Il y a de grosses machines derrière,
c’est la première fois que nous allons les utiliser
et on espère que cela va marcher jusqu’à la
fin. C’est un peu un test pour nous. Il y a beaucoup de basse,
beaucoup de guitare mais beaucoup d’électronique aussi.
Martin le nouveau fait partie du groupe à
part entière ?
Hervé Lomprez : Je le considère comme
membre du groupe. J’ai travaillé en commun avec lui
pendant 3 ans.
En parlant d’instrumental, vous citiez Maurice
Jarre. Vous avez des projets de musiques de films ?
Hervé Lomprez : J’ai beaucoup travaillé
dans le domaine de la publicité. J’ai également
de très bons souvenirs de la musique que nous avions fait
pour le film "Pushing the limit". J’adore travailler
en relation avec les images, créer des ambiances. C’est
Trisomie. C’est un peu notre problème aussi car nous
n’arrivons pas à travailler avec une idée mélodique
au départ. Ce qui nous importe c’est d’avoir
des sons et de les emboîter pour créer des atmosphères.
Ce qui peu paraître un peu déroutant dans le sens où
c’est difficile de se rattacher à une structure. Le
nouvel album est différent en ce sens que nous avons essayé
de modifier un peu notre manière de travailler en suivant
des règles. Une fois le morceau écrit, notre travail
était de réflexion et de montage sur le papier..
Qui est l’auteur des textes ?
Hervé Lomprez : J’en ai 7 sur dix.
Cela étant personne dans le groupe n’a de rôle
défini. Moi, ce n’est pas que je ne veux pas chanter
mais si je chante tout le monde fuit. Philippe peut jouer du clavier
ou de la guitare s’il veut. Je ne lui interdis pas de toucher
à mes claviers. Ce soir, Martin va s’occuper uniquement
de ce qui est mixage mais sur scène il va m’épauler
au niveau des claviers. Car si on veut faire du live, une personne
seule ne peut pas tout gérer. A la Locomotive le 28 novembre
nous aurons 12 ou 13 claviers, 4 ordinateurs au minimum et 3 consoles
numériques 32 voies donc c’est quand même très
chaud .
Le fait de ne pas avoir joué live depuis
un petit moment n’entraîne-t-il pas un peu d’appréhension
?
Hervé Lomprez : Non. Nous sommes contents
de repartir en live mais on ne sait pas si le public sera là.
Ce qui nous ferait plaisir c’est de garder l’audience
que nous avions et d’avoir même maintenant les enfants
ou les petits enfants. Ce serait assez gratifiant pour nous. La
seule chose qui nous a un peu interpellé est de savoir si
on va nous demander de jouer Il se noit. Allions-nous jouer une
version nouvelle ou l’ancienne ? Nous sommes partis sur des
versions actuelles et en fait on va jouer les anciennes. Parce que
je pense que même s’il y a des choses qui ne sont plus
au goût du jour je me vois mal avec une version techno de
Lost song et je pense que ce n’est pas ce que les gens attendent
du groupe.
Les anciens morceaux seront donc inclus dans la
tournée ?
Hervé Lomprez : Oui. Il y aura des morceaux
anciens, même de ceux que nous n’avons pas joué
depuis très longtemps, ce qui m’inquiète un
peu d’ailleurs. On va notamment jouer un morceau comme is
anybodyone part I la version qui est sur passion divisée
légèrement modifiée. Quand on le joue, cela
nous fait plaisir mais on prend un petit coup de vieux. Ça
ne nous rajeunit pas.
La fête triste sera-t-elle également
au programme ?
Hervé Lomprez : Oui et ce soir je vais jouer
la toute première version ultra dépouillée
sans fioritures juste avec 3 claviers.
En quoi consiste la tournée ? Sera-t-elle
exclusivement hexagonale ?
Hervé Lomprez : Non. Le gros de la tournée
qui aura lieu en mars avril nous conduira aussi en Hollande, en
Allemagne, Espagne, Portugal, Argentine, Brésil, aux Etats
Unis et au Canada. Nous enchaîneront 76 dates environ.
Pour Paris, il n’y aura que le concert de
la Loco ?
Hervé Lomprez : Oui. Peut être une
autre date au retour de la tournée selon l’accueil
reçu par l’album et de l’audience à la
Loco. En revanche, nous allons faire des dates dans des pays où
nous ne pouvons pas partir avec de grosses structures pour des raisons
financières et nous irons avec une structure plus club plus
légère et surtout en présentant et en remerciant
les personnes qui ont travaillé sur les mixes. Ce soir il
y aura Millimetric et Nida lang qui ont travillé pour nous.
Pour les remixes nous avons travaillé avec toutes les nationalités.
Par contre, nous leur avons laissé carte blanche. C’est-à-dire
qu’ils ont fait ce qu’ils ont voulu, même dance
ou world, et nous avons respecté leurs choix.
Donc même si artistiquement vous n’êtes
pas dans le même registre ?
Hervé Lomprez : Oui. C’est une approche
différente mais nous la respectons. C’est la moindre
des choses.
Si vous deviez définir votre musique en trois mots, quel
serait votre choix ?
Hervé Lomprez : Trois mots ? J’en
sais rien du tout. Je dirais…ce que nous recherchons c’est
l’émotion musicale et pour moi c’est important.
L’émotion, un petit côté de mélancolie
qui nous tient à cœur et une actualité au nouveau
de la présentation de cette émotion. Il y a une chose,
que je pense très peu de personnes savent.
Trisomie a toujours été très
à l’aise dans ces ambiances un peu planantes et émotives
quelque part. Nous avons fait un titre Thewar outside qui est sur
l’album "Works" qui est une musique très
planante avec des bruits tirés de musiques de films datant
de la guerre et nous avons chanté d’une manière
convaincante dans notre style mais avec des mots qui ne veulent
rien dire. Personne n’a fait de commentaire car il y avait
une adéquation parfaite entre la voix, la musique et l’émotion.
Nous sommes conscients que ce n’est pas des choses qu’il
faut faire c’est quand même typiquement Trisomie.
Et là où Philippe est très
fort. Nous avons une manière de travailler qui est très
bizarre car nous ne nous croisons jamais. On se voit très
rarement. Là le groupe ne s’est pas réuni depuis
6 ans. Nous travaillons toujours à distance et il n’y
a pas de répétitions. Quand Philippe chante en studio,
il arrive à faire passer une émotion d’emblée.
Avant de retravailler un peu la voix au montage. Je lui lance mes
idées et il chante sans jamais avoir entendu la musique auparavant.
Et très souvent on garde 80% des premières prises.
Et il ne veut pas entendre mes musiques avant. J’écris
mes textes. On fait un essai de voix avant pour le volume, on enregistre
et on garde. C’est très étonnant et c’est
propre à Philippe.
Et il y a cependant beaucoup de technologie chez
Trisomie ?
Hervé Lomprez : Ce qui nous cause quelques
soucis parce que nous avons beaucoup travaillé avec des systèmes
de montage et des improvisations remontées. Nous avons passé
beaucoup de temps à réapprendre tous les titres pour
pouvoir les jouer en live et c’est là où nous
ne sommes pas à l’aise en live. Même si on dit
qu’il y a beaucoup de technique, d’ordinateurs, on fait
quand même de l’impro dans le studio et ce n’est
donc pas évident de les rejoue à un moment précis.
C’est pas notre truc. Nous sommes toujours un groupe informatique
mais d’improvisation.
Et la chose qui est primordiale aussi c’est
que c’est la première fois que nous n’avons pas
utilisé de machines comme…base où recaler des
claviers. Tout était joué entièrement à
la main, toutes les séquences juste quelque secondes que
nous avons monté. Aucune machine n ‘est intervenue.
Nous gardons un très beau souvenir de cet album. C’est
un vrai retour par rapport notamment à Gohohako dans lequel
il y avait beaucoup de programmation. Nous avons pris beaucoup de
plaisir à jouer à discuter et à modifier même
si les machines sont intervenues pour la finalisation du produit.
Nous allons vous libérer... (ndlr : Hélas
!)
Hervé Lomprez : Merci. J’espère
que ça vous ira.
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