Projet initié par l'équipe du festival Marsatac 2012, Mix Up Maroc propose un mélange hybride de sons rock/électro de Nasser, de musique traditionelle Gnawa avec le Maâlem Hassan Boussou et du rap marocain de Komy.
Cette curieuse recette nous a interpellés, c'est donc quelques heures avant leur passage sur scène que tout ce beau monde ont accepté de répondre à notre sollicitation pour avoir le point de vue de chacun sur cette expérience. Cette interview ne fera que confirmer que ce projet restera pour tous une belle aventure autant humaine que musicale.
Le concert qui en suivra a conquis l’ensemble du public venu nombreux voir et écouter cette cohabitation scénique des plus originales. A noter qu'un album verra le jour en 2013 : une compilation des différents Mix Up (Mali, Liban et prochainement Afrique du Sud) qui ont eu lieu dans le cadre du festival Marsatac.
Tout d’abord, comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Nicolas (Nasser) : Le projet Mix Up émane du festival Marsatac. C’est Dro, le programmateur de Marsatac, qui élabore ces projets depuis quelques années, il a déjà mis en place le Mix Up Mali, le Mix Up Liban et cette année il s’est orienté pour le Maroc. Pour des raisons de bonne entente et d’envie commun, il nous a approchés, il a demandé à nous les Nasser de participer à l’aventure avec le maâlem Hassan Boussou accompagné de ses disciples et Komy, rappeur de Marrakech. Donc rapidement, du fait qu’il s’agisse d’un demande de Marsatac et connaissant l’éthique du festival depuis des années, on s’est dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire, un beau projet et une belle rencontre humaine avec tous les acteurs du Mix Up Maroc.
Le cadre étant alors donné, y a-t-il eu des hésitations par rapport au projet, à ses orientations ?
Nicolas (Nasser) : Pour ne rien vous cacher, au départ on avait de sérieux doutes. Parce que nous, groupe d’électro rock orienté dans un son bien particulier et un public bien spécifique, on se demandait ce qu’un projet tel que celui-ci pourrait nous apporter. Est-ce qu’on ne se mettait pas en danger ? Parce que nous ne sommes pas du tout dans la fusion, world music, ce n’est pas trop notre "dada". En même temps, je n’aime pas vraiment dire ça parce que de tels projets sont souvent enrichissants et sur le papier, celui-ci est un beau projet. Donc en réfléchissant bien à tout ça, on s’est dit "on va le faire". Surtout la rencontre du "casting" des personnes faisant partie de l’aventure, ça nous a vraiment emballés.
Avez-vous tous vécu cela comme un challenge ?
Nicolas (Nasser) : Ah clairement ! C’est toujours compliqué pour des artistes, qui sont dans un univers bien particulier de finalement s’intégrer dans un autre univers et d’essayer d’en sortir l’essence même de tout ça, de créer une véritable osmose. Tout projet artistique est une mise en danger personnel, donc oui c’était une mise en danger et aussi un défi, un sacré défi.
Maâlem Hassan Boussou : Personnellement, moi qui viens d’un milieu traditionnel, de la musique traditionnelle et spirituelle, je n’ai pas hésité. Il s’agissait pour moi d’une nouvelle expérience enrichissante. J’ai eu mes idées en écoutant la musique que font les Nasser en amont, et je me suis dit "il y a la place de mon instrument dedans, il y a de quoi faire".
Komy : Me concernant, l’idée de faire un tel mélange me paraissait bonne. Mais en même temps, j’avais une appréhension au sujet de ma musique. Je me suis dit que je n’avais pas envie de sortir à 100% de mon style et de faire n’importe quoi. Mais j’ai pris mon sac à dos, et je suis allé à la rencontre des Nasser et de la musique Gnawi pour essayer sur place, voir ce que le projet allait donner et je n’ai aucun regret !
Comment s’est déroulée la phase de composition, y avait-il une idée de base autour de laquelle vous avez tous gravité ?
Hassan Boussou : Nous avons beaucoup travaillé en amont. On s’est vu la première fois à Marrakech fin avril. On a discuté autour du projet, le concept, le principe et nous avons décidé de travailler dans un premier temps par correspondance, par internet. J’ai envoyé des morceaux à moi, les Nasser ont travaillé autour de ça, à faire des arrangements. Pendant la résidence, on a réarrangé et travaillé le tout tous ensemble. Komy a posé ses textes et ses paroles. Donc ça a été un travail plus élaboré en amont, puis refondu pendant la résidence.
Cette résidence a durée combien de temps ?
Hassan Boussou : 10 jours au Maroc.
Komy : C’était mission impossible !
Hassan Boussou : Mais ça a porté ses fruits !
En termes de créativité, vos esprits se sont rapidement rencontrés, avez-vous réussi à collaborer de manière rapide et efficace ?
Nasser : Oui clairement. Dès la première rencontre, on savait qu’il y avait quelque chose qui pouvait se passer entre nous, qu’on allait réussir à créer un univers. La création en résidence, c’était un peu compliqué les trois premiers jours car il y avait pas mal de choses à mettre en place. Déjà humainement, parce que quand tu rencontres des nouveaux musiciens, la musique c’est important, la technique etc., mais il faut vraiment qu’il se passe quelque chose du côté humain. Il faut que l’échange entre les musiciens existe réellement. On a eu vraiment beaucoup de chance, on était vraiment tous sur la même longueur d’onde, on avait envie d’avancer dans la même direction, on avait tous envie de créer de nouvelles choses et surtout de s’écouter les uns les autres, pas de rester dans nos coins à se dire "moi j’vais faire ma petite musique et eux la leur", pas du tout. On avait envie de mettre tout ça dans un shaker et d’en faire sortir quelque chose de nouveau. On a donc énormément collaboré, on a partagé beaucoup de moments pour arriver à tout ça.
Pour le live, vous avez trouvé une idée qui correspond au projet ?
Nasser : Concernant les morceaux plus électro qui viendraient plutôt d’un répertoire "Nasserrien" on va dire, les moments d’improvisation sont moins importants que sur la musique Gnawa parce qu’on est calibré dans un monde musical géré par les machines, avec un clic, des boucles, etc. Concernant l’improvisation rythmique, changement de tempo, c’est un peu compliqué. Donc on s’est réservé ces parties d’improvisation sur le répertoire Gnawa, sur ce qu’apporte Hassan dans sa musique.
Cette collaboration va-t-elle influencer votre musique ?
Nasser : Oui forcément. Influencer notre musique telle que sur nos albums, je ne sais pas, certainement. Un petit peu plus de ternaire certainement ! (rires) Mais c’est vrai que nous avons découvert un instrument magique, qui est le guembri, l’instrument d’Hassan, c’est une basse acoustique. Cet instrument est phénoménal avec des basses de fou et, dans un monde électro, ça colle complètement. Donc, pourquoi pas, ça pourrait très bien se marier dans des tracks électro, tel que nous le faisons dans le Mix Up. Après au niveau de l’enrichissement, c’est un enrichissement personnel et humain. Toutes ces expériences, quoi qu’il arrive, enrichissent et inconsciemment, ça servira à notre travail.
Quelle collaboration envisagez-vous pour la suite ?
Nasser : Mix Up Maroc s’inscrit réellement comme un groupe, on n’a pas fait une collaboration avec des musiciens qui vont chacun rentrer chez eux après ça. Théoriquement, sur le papier, le projet devrait se terminer ce soir, après le concert. Mais on n’a pas cette envie, on a envie de continuer. Il se passe quelque chose de fort entre nous quand on est sur scène, que notre seule envie est de continuer. Les retours des concerts ont été vraiment postitifs, beaucoup de gens sont intéressés par le projet, des tourneurs sont vraiment emballés. Je pense certainement, je touche du bois, qu’il y aura une suite à tout ça.
Un album va-t-il voir le jour suite à cette collaboration ?
Komy : Oui, nous avons passé une semaine à enregistrer, ça aussi c’était mission impossible ! Huit morceaux en trois jours. Un album va sortir en 2013, ce sera une compilation des Mix Up : Mali, Liban, et celui de l’année prochaine, Afrique du Sud. |