Second album pour le quartet renouvelé d'Erik Truffaz (Benoît Corboz, jadis ingénieur du son, remplaçant en outre au clavier Patrick Muller), où l'on sent clairement la continuité avec les dernières démarches du trompettiste, et notamment In Between (2010), son précédent opus, plus pop et pourtant toujours jazz-hybride, habité par la chaleur de son son si distinctif.
L'hybridation, le quartet l'a toujours eu dans la peau. Premier groupe français jamais signé sur le prestigieux label Blue Note (en 1997, avec Out of a dream), il s'est dès ses albums ultérieurs acoquiné à des musiciens d'horizons différents, chanteurs, rappeurs, beatboxers, instrumentistes orientaux, musiciens électroniques... En résulte un parcours musical original, riche, bâti sur l'esprit de découverte, la soif de nouveauté, la volonté d'explorer, qui justifie amplement le succès que rencontre le quartet, qui réussit le tour de force de toucher (sinon le grand, du moins) le moyen public tout en restant d'une exigence artistique sans concession.
Le nouvel opus chaloupe doucement de l'indolence à la lenteur, avec une douceur lénifiante, le feu s'étant fait tiédeur caressante. Sans jamais faire frôler l'ennui à l'auditeur ravi, El tiempo de la Revolución le plonge dans le bain-réconfort d'une fin de journée trop chargée, avec cette minuscule touche lounge qui donne aux lumières tamisées des reflets rouges-roses de plaisir.
Au rayon voix, c'est cette fois Anna Aaron qui s'y colle, pour trois titres qui ne sont peut-être pas les meilleures pièces de l'album, mais où l'on sent, en tout cas, la passion que peuvent avoir Truffaz et ses acolytes pour la chanson, cette mal-aimée du jazz.
Pour le mélomane, la véritable pièce-maîtresse de l'album sera certainement le doublet "El Tiempo de la Revolución" / "Revolution of Time", qui l'ouvre et le ferme avec deux interprétations (très) différentes d'une même pièce – qui permettent de comprendre toute l'ouverture et toute la maturité du projet musical, aussi à l'aise dans les eaux glaciales d'un port fluvial sibérien que dans l'atmosphère tiède, trouble, d'un bar sud-américain, le soir précédent la révolution. |