Vaudeville de Eugène Labiche, mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti, avec Coraly Zahonero Jérôme Pouly (en alternance Nâzim Boudjenah), Laurent Natrella Léonie Simaga Nicolas Lormeau, Gilles David, Christian Hecq, Félicien Juttner, Pierre Niney, Adeline D’Hermy, Danièle Lebrun, Elliot Jenicot et Louis Arene.
Au Français, il y a Molière, les grandes tragédies, la création contemporaine et aussi Feydeau et Labiche.
Paris un matin clair. Un jeune monsieur "lancé", Fadinard, se prépare à son mariage. Il arrive du bois de Vincennes où un incident cocasse a eu lieu.
Son cheval a mangé le chapeau d’une dame légère qui l’avait suspendu à un arbre avant de se livrer aux bras d’un militaire qui n’est visiblement pas son époux. Il en rirait goulument si le couple infernal ne s’était pas lancé à sa poursuite pour obtenir réparation : la dame ne peut décemment rentrer "en cheveux" au domicile conjugal.
Et la paille du satané chapeau est assez rare pour être introuvable. Le tout avec une noce infernale qui piaffe dans l’antichambre, la soldatesque qui s’échauffe, l’adultérine au bord de l’évanouissement : la journée sera longue et le mariage, mouvementé.
Chef d’œuvre de Eugène Labiche, la pièce est régulièrement reprise (récemment dans l’Intégrale Labiche du Théâtre du Nord-Ouest) et la Comédie-Française propose une nouvelle mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti, à la fois fidèle et ébouriffante, qui devrait faire grand bruit.
Du Second Empire, l’action est portée dans les années soixante du siècle dernier, la noce campagnarde sortie de quelque banlieue, mêlant loubards endimanchés, pécores de commices, mondains à vestes de velours, minets efféminés escorteurs de quelque Françoise Sagan ou Alice Sapritch. Deux guitares électriques enrouées et le monde des auto-tamponneuses scintillantes fluos revient avec son charme et son kitsch assumé.
La troupe, une fois de plus, se dépasse encore. Pierre Niney incarne le malheureux Fadinard, charmant, acrobate, drôle, frais et cynique à la fois, un monsieur à garçonnière, très jeune pour ce rôle de farceur "faisant une fin" mais extrêmement plausible, par son talent désarmant.
Que dire du moliérisé Christian Hecq, dans le rôle de l’horrible beau-père, vulgaire, pochard, omniprésent et péroreur ? C’est un pitre génial, démesuré, une toupie humaine, irrésistible de drôlerie, arrachant les hoquets d’un public qui demande grâce.
Pour l’élégance et le rire légèrement fêlé, on retrouve la divine Danièle Lebrun, exquise en baronne de Champigny - une victime "collatérale" de l’Affaire du chapeau - comédienne rare que la Comédie-Française méritait. Jérôme Pouly, formidable en mari trompé, Véronique Vella, l’égarée au chapeau mangé, épatante, tous les comédiens se surpassent.
Triomphe annoncé de cette saison si riche, ce "Chapeau de paille d'Italie" est une réussite dense, farce d’un manège de mots emballé, à montrer aux étrangers pour qu’ils voient, en face, cet échantillon de l’esprit français et aux Français pour qu’ils oublient d’avoir raison d’être moroses jusqu’à en manger…ce chapeau. |