Cette charmante soirée commence avec David Lemaitre qui, comme son nom est loin de l'indiquer, est un chanteur bolivien vivant à Berlin.
Composé d'un guitariste et d'un batteur épaulés d'un troisième, tantôt au violon tantôt au clavier, son groupe nous sert une très plaisante folk aux airs parfois de bossa, de caraïbe : un bien nommé "Jacques Cousteau" a ce côté aérien des morceaux aquatiques. Le chanteur a une tessiture franchement proche d'un Jeff Buckley (mais non, pas "encore un" !), mais il n'en fait pas des tonnes, quelques vocalises mais toujours bien venues, avec parcimonie.
Mise en bouche humble et contente d'être là, douce à entendre et à voir. Un très bon moment. Leur premier album sort en avril, gardons l'oeil et l'oreille ouverts.
Le plat principal, Get Well Soon, poursuit en un sens cette tonalité de douceur. Un décor tendu de draps rouges évoque la pochette de leur dernier album, The Scarlett Beast O'Seven Heads, aux titres duquel s'interposent d'autres du précédent, Vexations. On retrouve très bien sur scène l'ambiance doucement mélancolique et feutrée avec ce petit décalage un peu dandy : la voix pleine, presque déclamant, les orchestrations riches et parfois complexes (6 sur scène, xylophone, violon, claviers, diverses guitares…).
Petit bémol s'il en fallait un : la voix de Verena Gropper, soeur du leader Konstantin, qu'elle accompagne habituellement de nappes veloutées se fait ici cantatrice et casse un peu les oreilles. Mais on leur pardonne tant cette musique si diverse est en même temps si reconnaissable (et chérie) telle un caractère, en ruptures, en images.
Le single "Roland, I feel you", placé au beau milieu du concert, sonne pourtant comme le générique de fin d'un western étrange. Un peu plus loin l'héroïque et subtil "A Gallows" est suivi de "Courage, Tiger !" joué très années 80 au synthé intersidéral et voix transformée à la "Nightcall" de Kavinsky, étonnant mais logique, fluide dans ce tout. Le groupe mène sa barque, entre images suggérées et sons enveloppés, parfois assénés sur des percussions bousculées, c'est un livre qui s'écrit, de ceux dont on est le héros, de page 52 allez en page 8.
Vus sur scène il y a plus de deux ans lors de leur dernière tournée, ils ont bien sûr gagné en assurance mais gardent ce petit côté touchant : le public reste à conquérir, ils occupent l'espace et l'imprègnent pour nous y inviter, pas pour nous l'imposer.
Sachant l'importance qu'ils peuvent apporter à leur univers visuel il est bon de prêter attention à leur décor, même minimal, et ce faisceau de cristaux de roche en boule à facettes, en fond de scène, fait penser que Get Well Soon est un caillou précieux finement ciselé où on a laissé affleurer des zones de pierre brute d'une autre nature, qui est sans doute la sienne profonde, unique. |