Ah l'espace ! Vaste sujet. Au sens propre et figuré d'ailleurs... Si bien que tout cela se pointe du doigt. C'est vulgaire, parait-il. Pourtant c'est essentiel. Question de repaire, d'emplacement, de lignes, bien qu'imaginaires. Tout cela rassure, il semblerait même que l'on appelle ça une bonne étoile. Parfois à tort, qui sait ? Finalement n'annonce-t-on pas la fin du monde prochainement, causée par des cataclysmes eux-mêmes causés par des pluies d'astres, de météorites ?
Sous cette constellation métaphorique, imprévisible mais quasi religieuse, la lumière reprend vie pour la première fois depuis 10 ans. Roubaix, décrépi, terni d'une inquiétante rougeur, sera la nouvelle Jerusalem ce soir. L'apocalypse est proche, camarade ? Crevons donc ensemble. La Condition Publique sera un purgatoire, dans lequel une foule de convertis est venue se ressourcer auprès de ses élus, de ses apôtres, pour décrypter le message. Le secteur est sectaire, les gourous sont là.
Deux écrans diffusent donc la bonne parole au sein de la paroisse : "Hope" crient-ils, dans un déchirement d'images à la pellicule martyrisée et torturée par le noir et le blanc du super 8. Le vaisseau décolle par un drone, l'aspect lancinant proposé par le groupe est essentiel, il ne quittera jamais l'espace au cours des deux heures et demie de concert.
La musique de Godspeed You! Black Emperor est une musique qui prend son temps, c'est un voyage initiatique qui passe par l'esprit de manière progressive. D'ailleurs, car la question se pose, peut-on ici parler de rock progressif ?
Les plages sont longues et peuvent être assimilées à des compositions dites classiques qui évoluent en différents mouvements. Pourtant, la dimension atteinte est à la limite de la musique contemporaine minimaliste, notamment sur les transitions entre les morceaux, basées sur des drones ambiants, qui créent une tension oppressante au dramatisme évident et exacerbé. Débarrassé alors de contraintes techniques et de vélocité, il semblerait que l'on appelle ça du post-rock. La virtuosité prend alors le dessus dans toute sa splendeur, de manière brutale, radicale, sans jamais atteindre la masturbation musicale tant redoutée dans ce genre d'exercice.
La musique de Godspeed n'en reste pas moins pauvre, bien au contraire. Comme dit précédemment, elle évolue en un constant mouvement perpétuel riche et varié, elle passe du heavy à la musique ambiante, de la musique tribale à la musique atonale, du psyché au doom. Au final tout cela ne serait-il pas du punk, de l'anarchie, du nihilisme à son paroxysme ?
L'ambiance dans la salle est incroyable, indescriptible, comme la musique qui y est présentée, tout le monde est scotché et ferme les yeux, lévite. Les plus mélomanes reconnaîtront dans la set list "Mladic" du dernier album 'Allelujah ! Don't bend ! Ascend ! en véritable ouverture, suivi de "Storm" du disque Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven. En guise de rappel, les plus sereins distingueront "East Hastings" (dont le thème hantait les images du 28 Days After de Danny Boyle) du "premier" album, f# a# ∞ (le premier vrai opus de GY!BE étant une cassette introuvable ayant pour nom All Lights Fucked on the Hairy Amp Drooling sortie en 1994 et limitée à 33 exemplaires).
Ce concert/groupe est indescriptible, il fallait y être, consciemment ou inconsciemment, sobre ou ivre. Il faudrait inventer un mot, du genre "Pyramidesque" pour en parler, car il n'en existe aucun d'adéquat.
Cette vague tentative de résumé provient de note prise pendant la chose, de manière subconsciente. Ce fut un peu comme un rêve irréel, un paradoxe donc. Et il parait que c'était énorme. Et comme tout bon rêve, impossible de m'en souvenir. Et même si ça manquait de vapeur, appelons ça la libération. |