Jour I : Arches métalliques / photomaton / Messe(s) Profane(s)
16h30 : Paris devient pour trois jours le centre du monde musical, la grande halle de la Villette, œil d’un cyclone tourbillonnant pour un tour d’horizon d’une partie de ce qui se fait de mieux en musique indépendante. 16h30 : bienvenue à Londres, Oslo, Rome, New-York, Brooklyn, Williamsburg… bienvenue au Pitchfork festival deuxième édition du nom.
Le temps d’échanger quelques euros contre des jetons très design siglés au nom de l’organisateur du festival et il est temps de découvrir le site très classe et forcément select. C’est au son propre et malheureusement bien trop lisse de How to Dress Well que l’on prend connaissance des lieux et des deux scènes se faisant face. Vient ensuite AlunaGeorge duo R’N’B electo Londonien. Aluna habillée façon danseuse du ventre se la joue panthère et œil de biche, malheureusement ses déhanchées sexy en diable, son joli minois et ses attitudes proche de MiA ne font pas oublier la relativement peu intéressante musique qui va avec.
Rendez-vous au photomaton, lieu de passage presque obligé des festivaliers qui veulent garder des souvenirs en noir et blanc ou se retrouver, et DIIV peut enfin commencer. Ils sont jeunes, viennent de New-York et leur nom, tout comme leur dégaine, est un hommage à Nirvana. Le groupe est une véritable boule d’énergie brute, puissante, intense. Le mélange Dream pop et Shoegaze fonctionne à merveille, la voix presque évanescente de Zachary Cole Smith se perdant dans les méandres et les explosions des guitares Fuzz. DIIV nous assène son set nerveusement, comme un coup de poing, fédérant largement l’auditoire. Certains disent avoir vu passer, dans la fumée et les lumières des projecteurs, les fantômes de Kurt Cobain et de Ian Curtis...
C’est au tour de Factory Floor d’électriser la foule de plus en plus importante. Electriser grâce à une techno associée à du krautrock, musique répétitive à la dynamique industrielle, aux beats froids et étirée comme un long fil. Une musique qui se répercute contre les arches métalliques art nouveau, redonnant un sens à cette salle alors qu’un écran géant donne l’impression d’être un personnage de Tron perdu dans une esthétique très 80’s gameboy / CPC 6128. Un regret qui semble être partagé par tout le monde : une discographie et une notoriété pas assez importante obligeant le groupe à passer à un horaire incongru. Dommage !
On n’entendra que de loin le rock brut de Japandroids pour cause d’interview avec DIIV mais le public semble ravi de la prestation du duo guitare/batterie Canadien faite d’urgence et de puissance électrique.
Frànçois and The Atlas Mountains a la lourde tâche de remplacer Chairlift bloqué à New-York pour cause d’ouragan. Si toute poétique et difficilement classable qu’elle soit, la musique des français semble bien minuscule au milieu de la grande halle. Innocence, charme et pop émouvante ne font pas bon ménage avec la relative froideur de la grande salle. Le groupe a beau se démener, surtout Amaury Ranger aux percussions, la sauce perd toute sa saveur.
Ayant profité du concert de Frànçois and The Atlas Mountains pour se restaurer aux stands so chic de nourritures, c’est en masse que les festivaliers vont écouter l’espagnol John Talabot. D’un coup la grande salle parait clairement se réchauffer et le public se met à danser. La musique de Talabot puise son inspiration dans une electro élégiaque et dans un groove tout en moiteur faisant penser que sous la Villette se cache le sable, et que l’été est déjà de retour. Le sourire aux lèvres, le barcelonais irradie la salle et sa pop électronique devient une célébration des sens. Le soleil se couche sur Paris – c’est une image – le monde n’est plus que bonheur et harmonie. Soit ! Pour ma part, c’est direction rapidement vers la scène opposée pour le concert de Sébastien Tellier.
Le grand prêtre de l’alliance bleue fait son apparition sur un pepito bleu tout en grandiloquence appelant ses fidèles à la communion. Facétieux, il parlera beaucoup pour blaguer, menaçant de faire durer son concert trois heures de plus ou propose de lire les discours de Jospin circa 1982-1984. Si le public étranger n’est que peu réceptif à son flegme et à son humour, il en est tout autrement du public français largement conquis par la classe et le burlesque du monsieur. La Flynig V bleue en bandoulière ou derrière le piano le chanteur en costume, foulard en soie et lunettes de soleil bleues aligne ses tubes ("La Ritournelle", "L’amour et la violence", "Sexual sportswear", "Cochon ville", "Russian attractions"…) non sans un véritable panache. Le public exulte, Tellier enchaîne les titres parfaits, les déhanchés, les cigarettes et les bières – nos amis anglo-saxons ont dû halluciner – se moque de son succès en ironisant sur son titre "La Ritournelle" (sa poule aux œufs d’or) et termine de mettre le public à genoux avec un superbe "L’amour et la violence". La messe, car c’est une messe non ?, se terminera sur un baptême électrique… quoi de plus logique. LE concert de ce premier jour.
Les organisateurs auront beau booster les basses, le set de James Blake, joué dans un halo de fumée lui donnant de faux airs mystérieux, est aussi palpitant que sur disque. Les travers pavés et les restaurants étant archi- bondés, on se dit que nous ne sommes pas les seuls à trouver la musique de l’anglais aussi plate et peu passionnante.
Le petit monstre de cauchemar de la pochette de Hurry Up, We’re Dreaming arrivant sur scène le signal est donné pour le début du concert de l’une des têtes d’affiche du festival : M83. Pour être tout à fait sincère, le virage pris par Anthony Gonzales et son groupe depuis quelques temps nous laisse dubitatif. Devenu groupe mainstream, sa musique est dorénavant faite pour les stades et la foule. La foule en redemande alors le groupe ne mégote pas avec les moyens : light shows tonitruants, son dantesque et orchestre symphonique. Folie pure pour certains, il faut dire que le groupe y met le cœur à l’ouvrage, surtout le bassiste comme à son habitude, et choisit parmi son répertoire les titres les plus enlevés ("Teen Angst", "Reunion", "Wait", le très réussi pour le coup "Sitting", "Steve McQueen", "Midnight City" plutôt raté…).
Pourtant, on sent que quelque chose ne marche pas, on en prend plein la vue mais les oreilles sont mises de côté. Et quid de l’orchestre symphonique tellement peu et si mal utiliser (hormis quelques nappes de violons par çi par là, il n’est réellement utilisé que pour l’avant-dernière chanson déjà symphonique sur disque : "Outro") ? Couleurs clôture le concert. Pour certains, M83 est l’un des plus gros/grand groupe d’electro-rock du monde pour d’autres, il a bel et bien sombré. A chacun de se faire sa propre opinion… Et sinon où sont passés tout les hipsters ? |