Comédie dramatique d'après le roman éponyme de John Steinbeck, mise en scène de Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic, avec Philippe Ivancic, Jean-Philippe Evariste, Jean Hache (ou Jacques Herlin), Gaëlaz Le Deverhat (ou Agnès ramy), Jacques Bouanich, Emmanuel Dabbous, Philippe Sarrazin, Augustin Ruhabura, Henri Déus et Hervé Jacobi.
Texte humaniste, œuvre cruelle, mise en pièces du Rêve américain, "Des souris et des hommes" a créé et entretient la polémique et la controverse.
Georges et Lennie arpentent les routes à la recherche d’un travail. Le premier, un solide gaillard aux rêves réalistes, a pris sous son aile un pauvre hère, Lennie, tueur de souris et caresseur d’étoffe, qui crée "des problèmes" partout où il passe. C’est un fou demeuré, gentil hors pulsions, que seul ce grand frère d’infortune parvient à contrôler.
Dans une nouvelle ferme, il y a, comme toujours, quelques braves types, un grand-père, un maître dur, une maîtresse délaissée, un nègre au dos brisé, des animaux, du labeur, de l’espoir et des étoiles à soi tout seul, à observer un épis dans la bouche. Et puis, il y a, inévitable, ce vieux Lenny et ses embrouilles, et le destin, qui a un mauvais sourire.
Pièce sombre, impitoyable, cette charge de John Steinbeck contre les horizons bas de l’Amérique profonde, qui aime la Loi du Talion, la mise au pas, l’asservissement de l’individu aux normes dictées par le plus grand nombre, frappe au cœur et aux sens.
La mise en scène minimale de Jean-Philippe Evariste et de Philippe Ivancic sert la sécheresse de l’action et du décor tandis que la direction d’acteurs d’Anne Bourgeois évoque le cinéma par son sens de l’action.
Les comédiens sont saisissants de vérité et d’efficacité. Jacques Herlin, en grand’pa tout sec, s’offrant des rêves grandioses au soir de sa vie, remue, amuse, émeut : quel talent !
Jean-Philippe Evariste est George,le bon copain, le lucide qui espère, remarquable comédien à nuances. Lennie, le braque, c’est Philippe Ivancic, qui réalise une performance époustouflante, enlaidi, ravagé de tics, s’emparant de son personnage jusqu’à la vraie souffrance.
Parmi les révélations, Augustin Ruhabura, excellent dans le rôle de Crooks, le nègre qui n’attend rien de ce monde de mépris et de relégation où il séjourne, dans la cage de sa peau : beau et puissant comédien à ne pas oublier.
La seule femme de la distribution, Gaëla Le Devehat, incarne avec émotion la fermière nymphomane qui rêve d’Hollywood et que cette terre grasse réclame. Henri Déus, Jacques Bouanich, Hervé Jacobi, Philippe Sarrazin complètent avec talent cette équipe, avec une mention spéciale à l’inquiétant Emmanuel Dabbous, qui sait rendre à la fois la force et l’impuissance de son personnage de propriétaire terrien borné et inquiet.
Formidable réussite, ce spectacle pulvérise les souvenirs des westerns, donnant nuit et tragique au Pays des gentils. L’humanité, représentée sans colorant ni conservateur. |