Si vous vous posiez la question, la réponse se trouve dès la deuxième minute de cet album, et elle risque d'être positivement affirmative.
Ce nouvel album de Mekanik Kantatik est un appel à la réjouissance clavieriste : sous ce nom se cachent Nicolas Cante et son piano, et tandis que Nicolas Cante, son piano chante (facile, mais exact).
Pianiste virtuose, comme on dit, jazzeux érudit et joueur aux multiples projets, il laisse ici la parole à son instrument, un piano trafiqué, "tunné" à l'électronique, qui danse, chante, nous parle. Il pleure aussi un peu, sur les maux du monde ("My piano is crying") mais tout le reste est gaudriole charleston chantée d'une voix trafiquée elle aussi, sur des tons à la Polnareff ou Katerine, voire Richard Gotainer. La musique, elle, est savante, mi nouvelle-orléanaise des bas-fonds, mi expérimentale bidouillée, au service d'une humeur débridée qui tire son auditoire vers le haut coûte que coûte.
En plus de ses créations, Mekanik Kantatik taquine ses ancêtres : les "Dancers in love" de Duke Ellington se retrouvent avec une jambe de bois, virevoltent et se rattrapent de justesse au comptoir ; une Gnossienne de Satie n'est plus la douce vision maritime, mais c'est dans un cirque de Freaks que nous voilà plongés, maladif peuplé d'individus peu avenants aux ongles crochus, mais pour de rire. Il se joue aussi de temporels plus proches, le slow des Korgis "Everybody's gotta learn sometimes", sur lequel des générations d'appareils dentaires ont fait connaissance, trouve ici sa version goguenarde de cabaret enfumé.
Et ce piano, fidèle destrier, il n'est rien moins que le mythique pianocktail de Boris Vian, une machine dont sortent des breuvages alcoolisés au gré des mélodies qu'on lui fait jouer. Une flopée de chansons à reprendre en choeurs, de chansons à boire, littéralement, à se ravir le gosier de ces titres réjouissants et décomplexés, accoudés à ce piano-monstre avant de sauter dessus et envoyer valser les verres qui le maculent. |