Monologue dramatique de André Suarès dit par Philippe Caubère.
Tout de blanc vêtu, veste, pantalon et chemise, Philippe Caubère entre dans la lumière pour deux heures à la gloire de Marseille et plus encore à celle d’André Suarès.
Marseille, la fameuse "cité phocéenne" est ici présentée, commentée, aimée, caressée, critiquée, détestée, caricaturée, enchantée sous son nom provençal de "Marsiho". Car, en 1931, André Suarès, auteur du célèbre "Voyage du condottiere", n’a pas décidé de rendre hommage à Marseille la Française mais à Marsiho la Provençale.
Hommage fervent, lyrique et poétique, lucide et sans pitié à sa ville, l’essai d’André Suarès est aussi un chant du cygne : Marseille et ses habitants y vivent le crépuscule de leur éternité, sont à l’orée de nouveaux clichés que vont charrier le petit monde de Pagnol, les galéjades politiques de Defferre et Gaudin, et, bien entendu, les prouesses au vélodrome de l’OM.
Mais Philippe Caubère n’est pas ici pour célébrer le Marseille de Fernandel et de Ribéry, il est là pour réveiller la belle langue de Suarès au service d’une ville voluptueuse, à la fois vigoureuse et vulgaire, n’ayant rien produit de beau hormis ceux qui la peuplent, à la fois lumineuse et ordurière, tour à tour exposée au soleil et à la saleté, au sublime et à l’excrément.
Avec la subtilité qu’on lui connaît, il ressuscite ce texte, redonne sens à une langue française riche de mots et d’expressions, bien loin de la pauvreté de l’actuelle. Parfois, quand souffle le mistral ou que s’étalent les charmes des filles du "grand lupanar", l’accent marseillais lui revient en bouche et l’on sent alors qu’il en profite !
Captivant son auditoire du premier au dernier mot, professoral ou complice, accompagné par une musique ou seulement par son complice des lumières, Philippe Olivier (dit "Luigi"), assis ou pas sur la chaise qui constitue son seul décor, Philippe Caubère utilise toute sa palette au service de Suarès, déploie toute sa musicalité pour restituer son lyrisme et prend à son compte avec gourmandise tout ce que lui fait dire son aïeul marseillais…
À la fin de ce spectacle total, les supporters de toujours de Caubère et ceux qui le découvrent communient tous ensemble dans des applaudissements vibrants. C’est ici plus que dans un stade qu’il faudrait chanter la Marseillaise !
Mille mercis à Philippe Caubère pour son interprétation généreuse de "Marsiho" qui contribuera à rendre à André Suarès, peut-être le grand écrivain français le plus sous-estimée, la place qu’il mérite. |