Farce burlesque de George Tabori, mise en scène de Makita Samba, avec Teddy Atlani, Jeanne Carnec, Isabelle Corbran, Rémy Delattre, Kimiko Kitamura, Pauline Lacombe, Alexandre Lhomme, Pauline Raineri, Louve Reiniche-Larroche et Stéphane Zbylut.
George Tabori a écrit "Mein kampf (farce)" en 1987. Chargée de symboles, cette pièce raconte l’histoire de Shlomo Herzl, un vieil homme juif qui vit dans un asile de nuit pour clochards, qui rencontre un certain Hitler, jeune, bavard, arriviste et déjà un temps soit peu antisémite. Dans cet asile, les deux hommes se côtoient, se découvrent, se disputent parfois.
La Compagnie Les Âmes Visibles s’est donc risquée à la mise en scène de cette œuvre de Georges Tabori, sans doute bien difficile à appréhender en raison du lourd passé qu’elle évoque. Makita Samba a opté pour une pièce qu'elle considère comme "un exorcisme, comme une grimace à l’Histoire".
Ces mots disent tout, ils donnent le ton. Parce qu’effectivement, cette mise en scène est un pied de nez, une façon de rire de certains points historiques sans culpabiliser. A la question "Peut-on rire de tout ?" , Makita Samba répond "Oui" tout en subtilité.
La scénographie de Stéphane Zbylut est frappante. Les vêtements qui jonchent le sol et qui sont accrochés au mur renvoient directement aux fantômes des milliers de juifs exterminés par ce certain Hitler, fraichement arrivé dans l’asile. Et c’est comme cela tout au long du spectacle.
Grâce à des détails, des mots envolés, Makita Samba rappelle au spectateur le futur qui s’annonce. L’horreur est sans cesse en arrière plan. On rit jaune, forcément, lorsqu’Hitler lance à Shlomo "Si tu me trahis, je t’enfourne". On observe, ébahis, lorsque Shlomo rase la barbe d’Hitler et ne le laisse qu’avec cette petite moustache qui fera toute son image plus tard.
Les clins d’œil sont omniprésents, c’est grave et léger à la fois, un juste milieu bien trouvé. Les lumières, elles aussi sont au service de l’horreur à venir, notamment lors de cette scène où un antisémite abat une poule et la dépèce. Lumière rouge, sang sur la chemise blanche. L’allégorie est parfaite.
On ne peut pas assister à ce spectacle sans noter la qualité de jeu des comédiens. Avec une mention tout particulière à Alexandre Lhomme, qui habite le personnage d’Hitler avec une puissance impressionnante. Il a ses gestes, ses expressions, son art oratoire et surtout, il happe le spectateur à chacune de ses interventions. Alexandre Lhomme, ainsi que Teddy Atlani dans le rôle de Shlomo se livrent par ailleurs à l’exercice du monologue sans fausse notes.
Voilà donc une farce bien menée par les Ames Visibles même si le spectacle s'essouffle un peu au final quand Shlomo dialogue avec la mort.
Clémence Réach |