Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Jules Renard, mise en scène par Michel Pilorgé et Jean-Philippe Ancelle, avec Morgane Walther, Michel Pilorgé, Brigitte Aubry et Alexia Papineschi.
Il y a l’enfance, il y a ses lectures : "Les malheurs de Sophie", "Sans famille" et il y a bien sûr le fameux "Poil de Carotte" de Jules Renard. La France, à la campagne, au temps passé.
Un jeune garçon, François, surnommé "Poil de Carotte" en raison de sa rouquinerie, vit entre son père, un brave homme qui chasse et tâche d’oublier un mariage malheureux et sa mère, revêche terrienne, qui dissimule mal son insatisfaction et se venge sur son enfant, par des vexations et des brimades.
Alors, lorsqu’arrive une nouvelle servante, belle, accorte et bienveillante, le cœur du petit jeune homme se soulève. Oui, il est malheureux et le monde va en entendre parler !
Grand classique du théâtre, cette pièce sur la peur, la souffrance, la résignation ordinaires, fait l’objet d’une très belle reprise, au Lucernaire, qui plaira à toute la famille par la qualité de sa mise en scène, sobre, fine, touchante, travail à la fois de Michel Pilorgé et de Jean-Philippe Ancelle, le décor, dessein d’enfance sorti d ’un livre de contes, ayant été imaginé par Gérard Roveri.
Une troupe de comédiens sensibles, exigeants, sans mièvrerie porte l’action, un éclat de vérité tombé d’un ciel très sombre. Michel Pilorgé est un formidable "Papa Lepic", homme des forêts à l’aube, des curées, des silences. Avec une épaisseur de cuir et un cœur mis au coffre, il est passé à côté des souffrances de son petit. Mais il sort de lui-même et Michel Pilorgé incarne cette métamorphose avec densité, une sensibilité virile qui marque et remue.
A ses côtés, Brigitte Aubry, excellente, est une "Mère Lepic" effrayante, aux sourires atroces qui annoncent les tortures, puis brisée, défaite, souffrante, bourreau des autres et d’elle-même (en alternance avec Annie Monange, efficace également).
Mention spéciale à l’exquise Alexia Papineschi (très remarquée dans un Strindberg monté par le talentueux Cyril Le Gris petite servante qui apporte l’espoir et l’amour et en a le visage. Enfin, Poil de Carotte qui se nomme Morgane Walther et se sort bien de l’exercice périlleux.
Qui est encore digne de son enfance doit se réjouir de ce "Poil de Carotte"» aux accents lourds, humains et envoûtants, qui rappelle à la fois les punitions levées et les sucreries de consolation. Un cadeau pour la mémoire. |