Comédie écrite et mise en scène par Agathe Alexis, avec Jaime Azulay, Emmanuelle Brunschwig et Hanno Burger.
"La ballade de Mrs Blondie et de son chien dans New York la nuit". De nuit, à New York. Un acrobate séducteur, qui ressemble à la ville, en équilibre et en déséquilibre. C’est un décor de muscles, une représentation charnelle d’une cité qui montre sa force. Il est indispensable.
Dans un Central Park de cinéma, une petite femme promène son chien. Ce qui est curieux, c’est qu’il ressemble à un homme, ou à un chien, ou peut-être bien à un homme-chien. Malgré ses crocs, c’est elle qui le garde, le rassure, l’amoindrit.
C’est une carnassière, une maîtresse-femme, de la fragilité et de la vengeance. Lui est de bonne race (homme, il valserait divinement, il est viennois) et mord, d’instinct, tout ce qui n’est pas de l’ordre de sa maîtresse, les Noirs, les Hispaniques, les enfants. Elle le gronde : il la devine trop bien, la dénonce presque.
C’est bien le chien d’une petite dame hantée par la peur. Alors, lorsqu’un vrai Noir l’agresse et la vole, elle se laisse submerger par la nuit. Elle devient la Haine, le racisme, la peur, la terminaison humaine d’un revolver qui va cracher.
Agathe Alexis a écrit un texte diablement politiquement incorrect, subversif, acrobatique et "danseur sur corde" (un équivalent français de borderline) qui interroge, retourne, choque et laboure. Les gentils "toutous", les "mémères à chien-chien" et les affameurs de molosses en prennent pour leur compte, autant que les caniches à idées toutes faites et les chiens raffinés des beaux quartiers qui ne fréquentent que les niches… fiscales.
Au service de l’œuvre, deux remarquables comédiens, Emmanuelle Brunschwig, mi-Zizi Jeanmaire, mi-Massina de "La Strada", terrifiante propriétaire de chien, qui le nourrit de pensées avariées et de faux-amour et Jaime Azulay, qui réalise une étonnante métamorphose canine, avec une déroutante douceur qui ne mène les êtres qu’à la mort tant ils provoquent.
Enfin, Hanno Burger, l’acrobate, introduit de l’étrange, du chœur et un contre-mouvement dans cette symphonie de mots chorégraphiée avec force par Sophie Mayer.
La lune observe la scène, le public applaudit. Il y a eu théâtre et lumière sur la nuit.
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