Les Editions 13E Note procèdent à la réédition de "Mooch (Dupe)", troisième opus de la tétralogie autofictionnelle de Dan Fante, dont le titre français, "La tête hors de l'eau" ne manque pas d'humour pour un monsieur habitué à avoir le nez au fond du verre.
Car côté picole, Dan Fante n'y va pas avec le dos de la bouteille. Capable de ne pas dessouler d'une semaine, voire plus, atteint de délirium tremens, alias Bruno Fante, son factotum littéraire, il ne craint pas la concurrence et, à ses côtés, Bukowski, avec son kil de rouge, ferait presque figure de petit joueur.
Ayant atteint le fond du fond, voyant sa parentèle lentement décimée par la dive bouteille, et, en dernier lieu, son frère ainé, son instinct de conservation l'amène, alors qu'il approche de la quarantaine, à renoncer à l'alcool et, même sans grande conviction, à s'inscrire aux Alcooliques Anonymes.
Aux Etats-Unis, sa patrie fondatrice, les AA constituent une institution sacrée qui a un esprit de corps à l'instar des confréries estudiantes et autres et, Dan Fante décrit notamment le véritable réseau que constituent les anciens des AA qui, amendés et réinsérés parfois fort brillamment, se sentent investis d'un devoir, plus d'une mission, envers ses membres. Et à cette fin, ils ont créé plus qu'un réseau d'entraide de véritables filières de réinsertion.
Bruno Fante, qui n'est pas avare de jérémiades, rejetant sur "les gens" la faute de ses problèmes de dépression, d'alcoolisme et d'échec professionnel, lui qui a une vocation d'écrivain en bandoulière, presque en crêpe de deuil dans un pays où dit-il "la littérature était plus morte qu'une rediffusion de la série Seinfield et où "la vraie vie, c'était un film de flics et une paire de nichons siliconés", et de promesses d'ivrogne, bénéficie de cette manne et retrouve un boulot dans un domaine qu'il connaît bien et où il tire sa bille, celui de la vente par téléphone.
Mais infantile en quête d'amour et de reconnaissance, coeur d'artichaut et queue insatiable, il ne résiste pas à un jupon et s'entiche toujours - qui se ressemble s'assemble - de femmes droguées ou alcooliques, souvent les deux, et parfois, en sus, prostituées, qui n'ont pas froid aux yeux d'autant qu'elles sont bien ravagées, qui lui pourrissent la vie en lui enfonçant encore plus la tête dans son caca.
Et une fois encore, il tire le mauvais numéro en croisant la route de Jimmi Valiente, jeune et belle junkie avec des heures de vol au compteur, qui a tôt fait de retapisser le micheton pour le pomper dans tous les sens du terme.
Dan Fante livre une nouvelle tranche de vie bien saignante, non dénuée d'humour, qui lui fait voir, peut-être, le bout du tunnel.
|