Comédie dramatique de Pierre-Alain Leleu, mise en scène de Nicolas Briançon, avec Dany Verissimo, Pierre-Alain Leleu, Michel Dussarat et Jacques Brunet.
Donatien Alphonse François Sade est un auteur qui continue à sentir le soufre, au nombre des écrivains fondamentaux pour les uns, au nombre des gourous du crime pour les autres.
Sade est ce prisonnier du plus du tiers de sa vie, celui qui laisse son nom à ce qui est recherche de sa jouissance à travers des actes de cruauté, de torture envers autrui : le sadisme.
Il écrit en prison, les histoires de son imagination échauffée, violentes diatribes contre l’ordre social et religieux, scènes de sexe et de tortures où la victime n’est guère plus qu’un objet voué à une fureur déchaînée. Pour Sade l’homme ne naît pas bon, la société n’agit pas sur son tempérament… il est violent de naissance. Et marquis et homme comme Sade, quelle autorité n’a-t-il pas sur les servantes, les orphelines et les prostituées.
Pierre-Alain Leleu est entré dans l’intimité de Sade qu’il connaît dans ses moindres recoins. Aussi a-t-il écrit un texte tout entier composé à partir des textes de Sade, romans et correspondances, qui montre le libertin au cours de ses longues années d’emprisonnement.
Il est loin d’être complaisant et peint l’homme dans sa complexité : athée virulent, superstitieux, conspuant l’ordre social mais soucieux de garder ses privilèges de nobles, désirant femmes comme hommes, arrogant et faible, adultère libertin et gardant à travers leur correspondance l’affection de sa femme.
Pierre-Alain Leleu joue Sade avec délectation : la langue du XVIIIème siècle, l’inventivité prodigieuse des métaphores, des situations, font de Sade un écrivain incontestable. L’interprète lance le texte comme on fouette : sans retenue dans l’invective et la provocation.
Dany Verissimo incarne la femme-conscience formée dans l’esprit de Sade. A la fois fraîche et glamour, elle se prête aux caprices de Sade sans y participer. Elle est sa voix intime et accusatrice. Elle crée un équilibre, ne se laissant jamais dominée ou écrasée par Sade- Pierre-Alain Leleu.
Avec la femme imaginaire, la religieuse-prêtre libertin Michel Dussarat rend visite à Sade espérant un repentir. Michel Dussarat s’amuse de la duplicité de son personnage, prosélyte hypocrite. Quant au geôlier, le débonnaire Lassinote, Jacques Brunet, il semble plus enfermé dans sa vie, hors les grilles, que le malheureux et toujours agile Sade à l’intérieur de sa cellule.
Nicolas Briançon a conçu une mise en scène sobre, un décor unique composé d’une grille et d’un lit de fer. Vêtus de vêtements modernes, ses personnages nous deviennent contemporains. Les seconds rôles (le geôlier, le prêtre, la femme) viennent tourner autour de Sade en un curieux ballet, ils traversent les grilles après s’être comme brûlés au contact du reclus incandescent.
"D.A.F. Sade" est une proposition audacieuse. Elle reste destinée à un public adulte, qui peut comprendre combien l’esprit humain est trouble et qu’un récit de Sade est avant tout une œuvre de fiction, sortie du cerveau d’un homme en tout point indocile.
L’homme et son écriture existent : leur charge évocatrice est toujours aussi vive. C'est rare que Sade soit présenté au théâtre et le travail de Pierre-Alain Leleu et de Nicolas Briançon, documenté et précis, rend justice au marquis. |