Textes de Philippe Minyana, mise en scène de Robert Cantarella, avec Judith Magre, Edith Scob, Florence Giorgetti et Robert Cantarella (en alternance Michel Froehly).
Ecrite en 1987, "Inventaires" tient de l'hybridation de la thérapie de groupe, du quart d'heure warholien dispensé par la télé-réalité, de l'exhibitionnisme pathétique à la "Strip-tease" et du monologue d'Irma Lambert.
Philippe Minyana a écrit trois biodrames de la vie ordinaire qui évoquent les "Talking Heads" de Alan Bennett, petites tragédies du quotidien dans lesquelles le comique pathétique se substitue à l'humour noir à l'anglaise, celles de trois femmes cibles, les fameuses ménagères de plus de cinquante ans, qui participent au jeu télévisé "Inventaires 2013 - Le marathon de la parole".
Avec pour fil rouge leur objet fétiche, un totem des plus prosaïques, une cuvette, une robe et un lampadaire, symbole de leur condition et témoin muet d'une vie ratée par manque d'amour, ces soliloques, qui oscillent entre le tragi-comique désopilant et le néo-réalisme effrayant, se déroulent et s'entremêlent de manière aussi jubilatoire que poignante alors que ces femmes de déversent en confidences qui sont autant de petites tranches de vie bien saignantes qu'elles livrent ainsi en pâture au public.
Au jeu, sous la direction de Robert Cantarella qui campe l'animateur avec tout le sirupeux et la condescendance formatée de circonstance, trois femmes de théâtre, trois monstres sacrés et sacrés monstres dont la personnalité ne fait qu'une bouchée de leur personnage qu'elles connaissent d'autant mieux qu'elles l'ont joué à la création.
Des femmes n'ont rien de vieilles dames indignes. Ce sont des petites filles qui ont conservé une certaine naïveté mais que la vie a abîmé et les comédiennes révèlent dans tout leur désarroi.
Toute en nuances, Florence Giorgetti donne à Angèle, la fausse candide, un air de ravi de la crèche qui ne cesse de sa pavaner dans sa robe 1954 et distiller des souvenirs heureux et joyeusement embellis pour mieux oublier que la solitude et le désespoir ont élu domicile dans sa vie.
Dans le rôle de Jacqueline, la femme à la cuvette, Edith Scob, en jean et T-shirt, cache sa frustration sous des envolées illuminées. Et puis, Judith Magre, impériale, imprime à Barbara, le masque tragique de la souffrance.
Une partition de choix pour trois comédiennes d'exception. |