L’art de raconter une histoire populaire n’est pas donné à tout le monde. Ecrire pour le plaisir d’être lu dans le vacarme de la vie ouvrière, ça se mérite.
La littérature de gare est largement méprisée par l’intelligentsia qui croit dur comme fer que l’écriture est l’affaire des nantis. Le reste n’est qu’une soupe indigeste à donner au peuple. Il y a chez ces gens là, Monsieur, quelque chose d’indigent.
C’est vrai, la lecture à la petite semaine, ces feuilletons en bas de pages des journaux, tous cela ne peut pas être de la littérature ! Tout au plus pouvons-nous leur accorder un statut de conteur, rien de plus.
Et pourtant !
L’écriture est une affaire de vie. De plaisir partagé. De ces moments où l’auteur couche sur le papier l’aventure journalière d’un héros sans consistance qui, au fil des jours, deviendra indispensable à la bonne tenue du quotidien. Le gaillard a bien autre chose qu’un simple héros de papier.
Sa vie s’en trouvera modifiée, au détriment souvent, de l’auteur qui n’arrive plus (le pauvre) à se défaire de sa progéniture imaginaire.
C’est aussi cela l’aventure. La création au jour le jour, d’un univers fantasmagorique qui mène le lecteur aux frontières d’une aventure qu’il ne croyait pas possible (les rebondissements de chaque épisode sont là pour laisser le lecteur faire galoper son imaginaire jusqu’au prochain épisode).
C’est ce qu’il aime, le lecteur. Qu’on le prenne par la main et que les feuilletonistes, par leurs savoirs, ouvrent grandes les portes du romanesque.
La rencontre avec le lecteur est alors totale. Comme totale, est celle que nous propose le rédacteur en chef de la revue "Le Rocambole" spécialisé dans le "roman populaire".
Jean-Luc Buard est un homme d’expérience. Il sait nous ouvrir, grâce à sa revue (unique de par son sérieux) les multiples portes de l’imaginaire populaire. Il y a là, un monde encyclopédique qui vous tend les bras, futur lecteur. C’est une découverte qui en dit long sur cette littérature qui vogue largement sur tous les genres.
Cette mauvaise littérature que l’on dédaigne d’un revers de main et qui pourtant, construit, bien au-delà du mépris intellectuel, une vie littéraire à découvrir.
Grâce entre autre à la revue "Le Rocambole" dont le mérite ne s’arrête pas là. Dossiers complets, recherches pointues, entretiens, travaux universitaires… Nous le voyons, la littérature populaire n’est pas une simple affaire de roman de gare. Elle est et reste l’effervescence d’un monde parallèle et certains de ses écrits auraient leur place, bien en évidence, dans une grande collection. N’est-ce pas Léo Malet, le père de Nestor Burma qui disait lors d’un entretien qu’il regrettait que ses romans ne soient pas dans la collection "Blanche de Gallimard"… Nous aussi.
Mais reconnaissons que ce n’est pas forcement la couleur de la collection qui fait l’auteur… C’est ce que démontrent avec passion Jean-Luc Buard et son entourage.
Chaque numéro est consacré à un genre ou un auteur… Du petit lait, je vous dis. |