Spectacle en trois mouvements accompagné d'une installation conçu et mis en scène par Agnès Bourgeois, avec Valérie Blanchon, Agnès Bourgeois et Muranyi Kovacs accompagnées au violoncelle et au chant par Camille Brault.
Trois sœurs d'aujourd’hui face à la mort du père. L’une d’elles dit : "Je ne survivrai pas à la mort de papa". Sentence qui n'est pas une clause de style. Une phrase de la vraie vie. Et le futur se conjugue au présent.
Chez la cadette, comédienne, ces mots entrent en résonance avec la première réplique d'un des opus majeurs de Tchekhov, "Les trois sœurs", dans laquelle à la fin de la période de deuil de leur père, l'aînée dit "Je ne pensais pas pouvoir survivre à la mort de notre père qui pourrait s'entendre comme "Je croyais ne jamais m’en remettre".
Tel est le contexte du spectacle en trois mouvements conçu et mis en scène par Agnès Bourgeois qui associe travail de laboratoire théâtral sur une partition fragmentée et déclinatoire composée d'extraits de la pièce de Tchekhov et biodrame.
Ainsi "Pour trois soeurs" explore le thème de sororité, la dissolution inévitable de la fratrie et la vraie fin de l'enfance, en tant que période de référence, signifiée par la mort des parents à jamais reléguée dans les souvenirs et les albums de photos de famille à l'instar de celles de trois petites filles posant sagement projetées, en prologue et en épilogue, sur la tente gonflable qui fut celle des vacances des trois soeurs Bourgeois, installation latérale à l'espace scénique quasiment nu.
Trois belles comédiennes portent avec éloquence et sensibilité les figures de Tchekhov qui transcendent, dans des dynamiques différentes, la tragique banalité du drame.
Muranyi Kovacs, est Olga, l'aînée, celle qui connaît déjà la perte et somatise sa pragmatique résignation. Valérie Blanchon confère à Macha, déçue par un mariage trop précoce avec un homme ordinaire et minée par la révélation de l'amour, au demeurant un amour impossible, une nature explosive.
Quant à Agnès Bourgeois, elle incarne la cadette, Irina, la jeune fille heureuse pleine d'espoir en un avenir radieux qui, après les inexorables désillusions successives, découvre le courage de vivre.
Et elle reste seule en scène pour l'évocation de l'intime et de la douleur jusqu'à la mort transcendée, quand elle revêt les habits de la dépouille du père devenue celle de la soeur perdue dans le 3ème mouvement, vibrant et saisissant par la translation entre la fiction et la réalité autofictionnelle. |