Comédie écrite et mise en scène par Didier Caron, avec Virginie Pradal, Samantha Renier (en alternance Constance Carrelet), Gaëlle Lebert, Bruno Paviot, Paul Pascal Mottier et Julien Ratel.
"Un pavé dans la cour", la dernière pièce en date de Didier Caron, auteur plutôt versé dans la comédie de boulevard ("Un vrai bonheur", "Un monde merveilleux"), surprendra sans doute.
Ecrite sur le fil du rasoir, elle tend davantage à la comédie de moeurs, voire même à la comédie dramatique, et du côté de Eric Assous que de celui de Marc Camoletti, même si, grâce à son talent de dialoguiste, elle regorge de réparties jubilatoires qui font toujours mouche.
En l'espèce, la fête des voisins, celle des "Immeubles en fête" qui depuis plus de dix ans, grâce à l'initiative d'un élu parisien reprise d'une pratique belge, restaure la convivialité et la re-création de la vie de quartier perdue avec l'anomie des grandes villes, et des relations tendues de voisinage, est en l'occurrence prise à contrepied.
En effet, Didier Caron imagine un apéro entre voisins qui, au lieu de constituer un moment d'apaisement et de "rédemption", agit comme catalyseur des conflits plus ou moins latents et larvés, et notamment intimes, au travers de trois types de relations bilatérales classiquement conflictuelles, le couple, la relation mère-fille et la fratrie.
D'emblée, tout tourne à l'aigre, au règlement de compte et au jeu de massacre : l'hypocrisie n'est plus de mise et on passe vite des fleurets mouchetés au tir réel tous azimuts sans sommation.
Les échanges sont musclés entre le jeune cadre commercial dynamique dont le portable est le seul ami obnubilé par sa réussite professionnelle qui l'a éloigné de la vie et des siens (Pascal Mottier) et son cadet, un brave garçon simple et dyslexique qui a suivi la voie du père pâtissier (Julien Ratel).
L'épouse soumise enfin décidée à rompre le lien conjugal (Gaëlle Lebert) engage une corrida stylistique en plantant élégamment les banderilles dans le dos d'un "beauf" qui n'a rien pour lui. Avec sa chemisette à carreaux orange et cravate assortie, Bruno Paviot campe magistralement l'homme étriqué, le petit employé zélé, mesquin, radin, individualiste, misogyne, misanthrope et xénophobe.
Enfin, entre la mère castratrice atteinte de jeunisme caractérisé (Virginie Pradal épatante en bourreau-victime) et la fille complexée et dépressive (Constance Carrelet), ce sont des couteaux plantés directement dans le coeur.
Didier Caron assure une mise en scène efficace et tout sonne juste avec une distribution de comédiens aguerris qui parviennent parfaitement à naviguer dans le double registre du grave et de l'humour. Comme dans la vie.
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