Si j'étais célèbre et que les gens s'intéressaient suffisamment à moi pour suivre mes aventures disco-plumitives, ils devraient être surpris d'apprendre que The Doors est certainement le groupe que j'ai le plus écouté de ma vie. Ce n'est pas le cas, fort heureusement ; et fort heureusement pour ma mère, qui ne pourrait plus vendre sa virginité, car les gens l'achèteraient.
Entendons-nous bien : The Doors est certainement le groupe que j'ai le plus écouté de ma vie.
On sera sensible à la valeur du passé dans cette assertion : il y a là un constat, qui est de l'ordre du total, de la somme – plus que de la revendication ou de l'aveu de consommation présente. C'est que, à l'âge pré-adolescent auquel Morrison et sa bande ont largement contribué à m'initier à un peu plus d'exigence créative que le TOP 50 et la FM, j'avais le goût de l'obsessionnel et pouvais écouter en boucle, six, huit, dix fois d'affilée le même album. Gloire à l'auto-reverse alors !
La question s'en pose avec d'autant plus d'acuité : à quoi un nouveau live de The Doors sert-il en 2013 ? Nous ferait-on le coup du Jimi Hendrix, inflation discographique post-mortem à l'allant du génie et de sa productivité désarmante, quoique inégale ? Ou celui du Jeff Buckley (mais si, vous savez : le fils de Tim), parti si tôt qu'il faut que l'on se console dans les bras d'enregistrements live même peu recommandables ?
A moins que ce ne soit une façon d'organiser une énième revival ? C'est vrai, les collégiens d'aujourd'hui n'ont pas encore (re)découvert The Doors et chaque génération mérite son effet Oliver Stone.
A moins que ce ne soit une façon de flatter le chroniqueur, trop jeune pour avoir jamais eu l'occasion de dire à quel point The Doors étaient géniaux, au-delà de tous les best-of, de tous les biopics, de tous les posters adolescents et des petites révoltes juvéniles en petits t-shirts...
D'autant que le live à l'Hollywood Bowl, on nous l'a déjà vendu, en 1987 et en 2000, en audio et en vidéo. D'autant que des live pirates du groupe, il en existe des dizaines...
Alors ? Alors, voilà : peut-être que cela ne sert à rien tout simplement. C'est délicieux.
Ah, au fait : ce concert est également proposé au format DVD, avec une version restaurée de l'image, qui lui donne la valeur d'un documentaire. Et c'est tant mieux, car à se contenter de la version audio on risquerait fort, quoiqu'on nous le vende pour le meilleur jamais enregistré par la formation, de devoir reconnaître que ce concert n'est au total pas terrible, que des versions de bien des morceaux sont poussives, que Morrison en fait parfois trop, que ses musiciens ont parfois du mal à le suivre ou à le contenir. Le document qui témoigne du début d'un déclin ? Mais qui s'en préoccupe ? |