Avec "Le Mystérieux Mr Kidder", la prolixe romancière américaine Joyce Carol Oates livre un opus décevant en forme de déclinaison post-moderne nabokovienne avec des personnages totalement stéréotypés.
Et ce, nonobstant un dénouement de conte (a)moral, qui en constitue la partie la plus intéressante, même s'il n'est pas tout à fait inattendu, par ailleurs traité de manière hâtive.
Contrairement à ce que le titre français laisse accroire, le personnage principal n'est pas Mr Kidder mais, à l'instar du titre original "A fair maiden", une jeune adolescente de 16 ans, tout juste sortie du collège.
Issue d'un milieu modeste et pathogène, celui d'une famille étasunienne typique avec parents séparés, mère alcoolique et égoïste adepte du chantage au sentiment, cadette d'une fratrie rapidement dispersée, elle présente tous les signes extérieurs de la "lolita" des années 50 dont les synonymes contemporains sont moins délicats.
Blonde, mince, perchée sur des stilettos et vêtue de manière légère et voyante, "érotogène" diraient les coincées, les aigries et les jalouses, elle se trouve au moment unique et fugace de la vie où brillent les derniers feux de l'innocence et coexistent la candeur enfantine et le dessillement de l'adolescence, en l'espèce teintée du cynisme qui veut camoufler un besoin inassouvi d'affection.
Tout en rêvant d'entrer à l'université, elle essaie d'amasser un petit pécule en travaillant comme jeune fille au pair dans une famille en villégiature dans une station balnéaire huppée où elle va recontrer un homme au nom équivoque, le fameux Mr Kidder, un septuagénaire à la belle stature et à l'élégante distinction doublé d'un homme fortuné et philanthrope, cultivé et artiste, aux manières distinguées.
Une rencontre placée d'emblée sous le signe de l'ambiguïté puisque la jouvencelle est accostée devant une boutique de lingerie fine et coûteuse et que le barbon propose de lui offrir les dessous les plus aguichants exposés en vitrine.
Tout le propos de ce roman à l'eau de rose saupoudrée de pseudo-sexualité transgressive au goût de Canada Dry qui ne fait pas long feu et au style parfois lénifiant repose sur les atermoiments janusiens de l'adolescente entre méfiance et désir de croire au miracle, répulsion et fascination, peur et curiosité face aux alternatives possibles quant à l'obscur objet du désir de Mr Kidden.
Mr Kidder est-il un artiste en quête de muse, un homme sans descendance en mal d'amour paternel, un nympholepte esthète, un vieux pédophile libidineux ou un nouveau Barbe Bleue ? Pour ceux qui ne sauraient supporter cet éprouvant suspense, réponse page 230. |