Comédie de Oscar Wilde, mise en scène de Erick Desmarestz, avec Jean Bechetoille, Erick Desmarestz, Flore Friedman, Guillaume Gras, Mathieu Heribel, Eurialle Livaudais, Dominique Roncero et Brigitte Winstel.
"L'importance d'être constant", peut-être "le" chef-d’œuvre du génial dramaturge et manieur de paradoxes irlandais Oscar Wilde.
Deux jeunes aristocrates britanniques s’inventent un double pour se jouer de la vérité ennuyeuse et de la société, qui ne l’est pas moins. Deux oies exquises, sottes et déterminées, rêvent d’un prince charmant dont le mérite premier serait non pas d’être constant, mais d’en porter le prénom avec majuscule. Rencontre de masques et fusion de mensonges de rigueur.
Satire des mœurs victoriennes, feu d’artifice de mots d’esprit et d’insolences à l’apparence convenable, la pièce bouleverse aussi par les divinations wildiennes (mort d’un de ses personnages à Paris, ville trouble et lointaine) et évoque même parfois Marivaux par une légèreté presque sombre.
Eric Desmarestz, grand monsieur du Théâtre (et du Cinéma), chef de troupe inspiré, a mis en scène ce frénétique quadrille avec imagination, verve, amour de la jeunesse et de la fantaisie.
Se distribuant lui-même dans le rôle de Lady Augusta, dont il fait une Reine-mère croisée avec Hélène Duc et la Castafiore, irrésistible de drôlerie, de flegme, de rosserie et de contrôle, il domine, par sa carrure, son métier, sa narquoiserie marmoréenne - tellement british - l’ensemble de la troupe.
Une autre vraie professionnelle, Brigitte Winstel, incarnant une gouvernante-institutrice convenable à faire tomber la pluie, arrache les rires par ses mimiques, ses indignations, ses certitudes naines et ses regards alanguis sur le révérend, autre vrai comédien, interprété par Mathieu Héribel, excellent et bien typé. Mention spéciale également à Dominique Roncero, majordome impassible dans l’impossible.
Les jeunes gens - Jean Bechetoile, Guillaume Gras, Eurialle Livaudais et Flore Friedman - sont passablement sympathiques, avides de bien faire, en devenir et frais comme des pousses vertes.
Le grand Wilde, excellent par ses œuvres, élevé par son drame, frappe toujours, intemporel et pétillant : important et constant.
Tenu de main de maître, ce spectacle, au charme irrésistible, annonce le printemps et réjouit l’âme. A Belleville ! |