Après Robert Mallet-Stevens et Charlotte Perriand, le Centre Pompidou procède de nouveau à un retour aux sources du design moderne en consacrant une exposition rétrospective à Eileen Gray.
Aristocrate irlandaise formée au dessin et à la peinture à la Slade School of Fine Art à Londres, peintre, photographe, architecte et designer installée en France, membre fondateur de l'Union des artistes modernes, son nom est sans doute moins connu du grand public que celui de ses homologues contemporains.
Sans doute du fait que ses créations, qui s'inscrivaient dans un processus global en adéquation avec une architecture et un certain art de vivre, n'ont pas fait l'objet de production industrielle.
Et cependant, Eileen Gray, s'avère une figure emblématique du style fonctionnel moderne à son apogée dans les années 1920 et 1930.
A travers une sélection d’oeuvres, de pièces de mobilier, de photographies, de maquettes et de documents, la commissaire Cloé Pitiot, conservateur au Musée National d’Art Moderne, propose un parcours révélateur à la scénographie dynamique qui joue sur la trimendisionnalité et présente des mises in situ avec, en arrière plan les photographies des intérieurs ad hoc de l'époque.
Minimalisme, radicalité et fonctionnalité : la modernité selon Gray
Considérée comme une pionnière du design d'intérieur, Eileen Gray se fait un nom par la création de meubles en laque et de tapis scellant dans un heureux syncrétisme les tendances du moment que sont l'abstraction géométrique, le japonisme et les influences africaines
Elle ouvre un show-room, la galerie "Jean Desert", où sont présentées des pièces raffinées ressortissant encore à l'Art déco, tels la "Table aux chars" et le "Fauteuil Sirène".
Son talent d'ensemblère séduit le Tout-Paris des Années Folles et, en premier lieu, le couturier et mécène Jacques Doucet qui fut le premier propriétaire de la fameuse "Table au lotus" adjugée pour près de 22 millions d'euros en 2009 lors de la vente Pierre. Berge-Yves Saint Laurent.
Mais déjà, avec le "Meuble d'architecte" et le tridimensionnel "Paravent à six feuilles", elle témoigne déjà de son goût pour la construction modulable et fonctionnelle.
Inspirée par les expérimentations du hongrois Marcel Breuer, qui fut élève du Bahaus, et du néerlandais Gerrit Thomas Rietveld, membre du mouvement De Stijl, sur la simplicité des formes et le détournement de matériaux, dont l'acier tubulaire, elle opte pour un minimalisme radical avec une ligne épurée auprès de laquelle celle de Mallet-Stevens pourrait presque paraître baroque.
Avec ses matériaux de prédilection que sont le métal tubulaire, le bois, le liège, le cuir synthétique, le PVC, le caoutchouc et la toile de bâche, elle élabore un vocabulaire de formes radicales réduites à l'essentiel.
A ce titre le "Divan courbe", la lampe "Tube" et la "Table Trombone" sont exemplaires.
Simplicité rime néanmoins avec confort avec les fauteuils "Transat", "Bibendum" et "Non-Conformiste"
Par ailleurs, de son obsession de la fonctionnalité conjuguée à la géométrisation néo-plasticienne naissent des meubles pliants, mobiles et polyvalents ce qui exclut toute fonction ornementale.
Au rand desquels, la coiffeuse-paravent, le cabine à tiroirs pivotants, le meuble mobile pour pantalons, le siège-escabeau-porte-serviettes, la table basse transportable à poignée et la table ajustable retenue comme visuel pour l'affiche de l'exposition.
Eileen Gray s'inscrit également dans l'histoire de l'architecture moderniste
car elle suivra le parcours commun qui mène de la décoration d'intérieur à l'architecture.
Toutefois, à l'exception de sa propre maison la Villa E 1027, aujourd'hui classée monument historique, conçue avec l'architecte roumain Jean Badovici, fondateur de la revue L’Architecture vivante et ami de Le Corbusier, ses projets, notamment ceux destinés à promouvoir l'architecture sociale resteront sur le papier.
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