Monologue dramatique écrit et interprété par Wajdi Mouawad.
La quarantaine venue, Wajdi Mouawad remonte sur les planches comme interprète avec un solo dramatique autofictionnel créé Festival d’Avignon en 2008, qui peut s'analyser en un point d'étape tant pour l'homme que pour l'auteur dramatique.
A travers l'histoire autofictionnelle au rebondissement inattendu d'un étudiant québécois d'origine libanaise qui se trouve confronté à une série d'épisodes déstabilisants, un échec amoureux, un déménagement, une thèse inachevée qui décidera de son avenir universitaire et le coma de son père, il décline ses thèmes de prédilection au niveau de l'individuel et de l'intime.
L'héritage et la mémoire, la quête identitaire du fils de l'exil, la relation au père, tant le père biologique avec la belle métaphore du fils prodigue, qu'en l'espèce le père théâtral en la personne de Robert Lepage, par le biais de la thèse consacrée aux solos de la grande figure du théâtre québécois, les renoncements de l'âge et la création artistique sont au coeur de cette fresque monologale au pluriel polysémique du titre.
Dans "Seuls", pièce de deux heures qui passent comme un rêve, la partition textuelle propre au théâtre de la parole - qui mêle tous les registres du comique au drame en passant par l'humour noir - se métamorphose en scène performative cathartique et rédemptrice de révélation.
Empruntant à l'action painting, avec l'anthropométrie de Yves Klein et le dropping pollockien pour capter la folie créatrice, elle en constitue l'épilogue lumineuse même si elle pourrait, et ce sans perte de sens, être un peu resserrée.
Dans le décor élémentaire de Emmanuel Clolus, avec les voix off de son père et de sa soeur et une utilisation judicieuse de la vidéo pour souligner le processus de dédoublement schizoide de l'individu déchiré entre l'enfant plein de rêves et l'adulte aux prises avec la réalité laminante de la vie, Wajdi Mouawad se livre et se délivre en fascinant le public qu'il emporte dans un parcours de vie qui n'est pas un long fleuve tranquille.
Seul sur l'immense plateau de la salle Jean Vilar du Théâtre National de Chaillot qu'il l'habite et transcende par un jeu aussi simple que le souffle dramaturgique est puissant, il prouve la fécondité de sa plume. |