Comédie dramatique de Angela Dematté, mise en scène de Michel Didym, avec Richard Bohringer et Romane Bohringer.
Les Bohringer père et fille ensemble sur scène, ils en ont certainement aussi souvent rêvé que les spectateurs.
Et c'est Michel Didym, metteur en scène et directeur du Centre dramatique national de Nancy Lorraine, qui a trouvé le texte fédérateur dans lequel Richard Bohringer et Romane Bohringer sont à la fois si semblables et si différents.
Premier opus dramatique d'une jeune auteure italienne, Angela Dematté, diplômée de Lettres Modernes et de l’Accademia dei Filodrammatici de Milan et actrice, "J’avais un beau ballon rouge" traite essentiellement de la relation père-fille sur fond de le télescopage de l'intime et de l'Histoire avec majuscule à travers un biopic fictionnel sur un personnage historique, celui de Margherita Cagol, co-fondatrice des Brigades Rouges, l'organisation armée italienne d'extrême-gauche responsable d'actes de terrorisme dans les années 70.
Elle aborde la thématique de l'amour filial en corrélation avec l'incontournable fracture générationnelle entre le parent-adulte, qui compose avec la réalité contingente, et l'enfant-adolescent idéaliste, qui pense pouvoir refaire le monde avec un face-à-face sous haute tension entre un père petit-bourgeois conservateur chrétien et une fille sensible aux problèmes d'injustice sociale, "embrigadée" par un activiste politique avec qui elle formera le couple "à la Bonnie and Clyde" des années de plomb.
Et cependant, en l'espèce, dans cette déclinaison extrême, l'amour inconditionnel reste indéfectible, même s'il est peu démonstratif et si la confrontation entre l'idéalisme révolutionnaire forcené et le pragmatisme raisonnable mène à l'incompréhension et à la rupture intellectuelle.
Dans la scénographie astucieuse de Jacques Gabel avec un décor qui évolue de l'intérieur petit-bourgeois à l'appartement anonyme avec portrait de Lénine et cache d'armes, avec, pour le côté documentaire, quelques images d'archives d'époque dont celles emblématiques de la petite fille brûlée au napalm pendant la guerre du Vietnam, et la mise en scène classique et sobre de Michel Didym, le duo-duel des deux personnages est fracassant.
Insufflant à leur personnage un feu intérieur, Richard Bohringer compose, avec intériorité et une grande économie de jeu, une belle figure de père au coeur généreux mais impuissant face à Romane Bohringer qui incarne avec énergie et conviction une passionnaria dogmatique au destin tragique. |