Ü un nom à la M, variante qui vient du froid, pour un titre sur la compil de Radio Néo, "Après les dancings", qui donne envie d’en écouter plus.
A peine le temps de visionner la pochette de son premier album au graphisme concepto-scandinave initiale géante, qui n’est pas sans rappeler les pochettes très minimaliste mais très prégnantes de GusGus ou Sigur Ros, ou signalétique 2 yeux une bouche qui rigole, et quelques photos du bonhomme, notamment celle où le blondinet filiforme en costume noir étriqué, une jambe de pantalon dans la chaussette blanche, serre un bouquet de roses qui le fait ressembler à un petit farfadet déguisé en marié, que l’occasion nous est donnée de le découvrir en direct live en concert à l’Espace Jemmapes à Paris à l’occasion de la sortie du second album de Travis Bürki dit Ü La luge prévue pour début décembre.
Ambiance calme et bon enfant de MJC de banlieue pour ce bel espace au bord du canal Saint Martin.
Nous attendions un petit troll échappé d’un conte suédois et voici qu’entre sur scène une idole rescapée de l’époque yéyé en chaussures vernies noir et costume marron brillant cravate ivoire rutilante qui nous invite à "un spectacle très important et dérisoire".
Le plus souvent au piano droit, parfois à la guitare vert céladon, accompagné d’un violon (David Amsellem), d’une basse (Thibaut Barbillon) et d’une batterie (Camille Ollivier), le concert de Ü est un voyage au pays des poêtes caustiques, drôles et parfois désespérés, toujours engagés dans la vie. Impossible de ne pas songer à Boris Vian, Arno, Bobby Lapointe et tous ceux qui ont marqué la chanson française.
Travis Burki, mi-concentré, mi-rêveur, a oublié ses médiators dans la loge, se trompe de chanson, s’arrête pour reprendre le morceau interrompu, dédicace "Le tango des producteurs" et "Les justes" à José Bauvé, Yannick Noah et Gandhi, parle, raconte de petites histoires.
Qu'ils soient tendres ("Antoine"), ironiques("XXL"), amusants ("Karotène"), graves ("Après les dancings"), philosophiques ("Si je savais"), poétiques ("Les grands chevaux"), ses textes sont autant de petites fables qu'il faut écouter d'une oreille attentive afin d'en déceler la morale.
Un répertoire dense, une écriture nerveuse et aboutie, un charme certain et le sens de l'auto-dérision, tous les atouts pour sortir des sillons battus de la chanson française. Chapeau bas !