L'on ne devient pas un loser magnifique, l'on naît loser magnifique. Telle pourrait être la devise de ce cultissime groupe que sont les Pretty Things. Ce groupe est un cas d'école, tant l'absence, injustifiée, de succès est incommensurable. Un peu d'histoire donc, pour rendre hommage à ce qui aurait potentiellement dû être, dans la conscience collective, le meilleur groupe de tous les temps.
Il y a deux noms majeurs à retenir de cette formidable aventure, le chanteur Phil May et le guitariste Dick Taylor. Au début des années 60, Dick Taylor forme le trio Little Boy Blue & The Blue Boys, au sein duquel se rencontreront Mick Jagger et Keith Richards, avant de devenir en 1962 The Rolling Stones, suite à l'arrivée d'un certain Brian Jones à la guitare. Dick Taylor quitte le groupe, ne supportant pas d'être relégué au rang de bassiste à cette même époque. Il forme alors avec son vieux copain Phil May, en 1963, un groupe de R'N'B (entendre ici Rythm and Blues, et non variété internationale) qui deviendra les Pretty Things.
Même si le succès est imminent au départ, avec de très bon classement dans les charts UK, les Pretty Things souffrent de leurs trop nombreuses comparaisons aux Rolling Stones, mais aussi de problèmes de censures dus à leurs textes ("Don't Bring Me Down"). Cela ne va pas en s'arrangeant avec la sortie de quelques singles ("£.S.D") et de leur deuxième album Get The Picture ? qui passe inaperçu.
En 1967, ils entrent aux studio Abbey Road, pour mettre en boîte un disque majeur qui deviendra le premier concept album de l'histoire : S.F. Sorrow, pendant que les Beatles enregistrent Sgt Pepper's et que le Floyd s'attarde sur The Piper at the Gates of Dawn dans les salles d'à côté. Suite à des problèmes de post-production, le disque sort après Tommy des Who et devient à son tour un échec commercial. Ne le supportant pas, Dick Taylor quitte le groupe et s'en va produire le premier disque d'Hawkwind.
Ne baissant pas les bras pour autant, les autres rempilent et enregistrent Parachute, chef-d'oeuvre absolu du groupe, que l'on jugera ici en toute subjectivité comme meilleur qu'Abbey Road des Beatles (faut-il le préciser). Le groupe se séparera une première fois à la suite de ce nouvel échec, bien que le magazine Rolling Stone fera de Parachute le disque de l'année 1970, avant de se reformer quelques temps après, donnant lieu à une paire de disques qui passeront toujours inaperçus bien que toujours inspirés.
Les Pretty Things tournent sans relâche depuis de nombreuses années, toujours de manière confidentielle (bien que toujours soutenus par les plus grands noms, que cela soit par Van Morrison qui les considère comme "l'un des meilleurs groupes de tous les temps", par David Gilmour qui les accompagnera sur scène en 1998 aux côtés d'Arthur Brown pour jouer intégralement S.F. Sorrow, ou encore par David Bowie qui reprendra deux morceaux de leur premier disque éponyme sur son disque de reprises Pin Ups) et sortent toujours des disques. Dick Taylor est revenu et Phil May n'a jamais quitté le navire.
C'est de cela dont il sera question ce soir à l'Aéronef. Ce qui frappe des les premières notes, c'est l'énergie que déploie le groupe. Certes sans artifices, tout le monde semble être au meilleur de lui-même et nous invite à un show qui respire les sixties. Tous les tubes de la période Taylor s'enchaînent : "Honey, I need", "Hey Mamma Keep Your Big Mouth Shut", "Don't Bring Me Down", "Alexander".
Puis les choses sérieuses commencent, c'est dire, avec plusieurs morceaux de S.F. Sorrow réarrangés à la sauce blues. Sauce blues qui permettra de faire une petite pause par la suite, avec une série de chansons plus récentes jouées à la guitare acoustique et au bottleneck, avant le retour des festivités avec la face B de S.F. Sorrow.
S'en suivront d'autres singles, joués de manière de plus en plus tonitruante et orgiaque, pour finir en apothéose sur un "£.S.D" d'anthologie. Cerise sur le gâteau, un exceptionnel "Mona" de Bo Diddley avant le rappel dans lequel l'on profitera d'un solo de batterie absolument sensationnel du jeune batteur prodige.
Les Pretty Things ont mis une sacrée fessée à tout le monde ce soir, devant un public conquis, ravi de pouvoir vivre ce genre de concert de manière intimiste. L'on regrettera néanmoins l'absence de morceaux de Parachute, bien que Dick Taylor n'est pas participé à la conception de l'album, un "She's A Lover" eu été fort apprécié. Rien de bien grave néanmoins, les jolies choses n'ont jamais été aussi magnifiques que ce soir, de par cela elles resteront toujours immortelles. |