Comédie dramatique de Mario Diament, mise en scène d’André Nerman, avec Maïa Guéritte et André Nerman.
La passion tumultueuse entre le grand philosophe allemand Heidegger et son élève, Hannah Arendt, depuis les Années folles jusqu’au Crépuscule des dieux, sur la scène mythique et minuscule de la Huchette....Ah ?
Ce pari à écueils - Hannah Arendt est en train de devenir la Camille Claudel tous terrains, un film sort au même moment, la philosophie passe mal au théâtre - le metteur en scène, adaptateur, et comédien André Nerman l’a réussi brillamment, offrant au public un des plus émouvants spectacles du moment.
Heidegger, le professeur sévère et austère, s’embrase, à la fin des cours, pour une jeune étudiante juive, alors jolie, mademoiselle Arendt. Son devoir révèle son intelligence, ses yeux sont ravissants, Heidegger est marié au Devoir et à la Perfection, c’est à dire à l’ennui domestique. C’est l’embrasement des sens, dans la petite cabane du Platon teuton.
Le temps passe. Les Allemands portent Hitler au pouvoir avec enthousiasme. Heidegger est-il nazi ? Heidegger est dans la vague. Sa maîtresse, juive, tâche de gagner un rivage : ce sera la France, pas encore vaincue. L’Allemagne écrasée, la civilisation vengée, Hannah reverra son maître, en l’aimant toujours. Le doute subsiste sur son engagement auprès des barbares. Mais la certitude de l’amour demeure.
Au service de cette histoire naïve et bouleversante, entre la maturité et la jeunesse, la philosophie séduite par le pouvoir brutal de la politique et celle qui, par la menace sur sa vie, est obligée à la résistance, deux splendides comédiens illuminent la scène de leur talent, de leur métier, de leur passion.
André Nerman, au charme cendré, incarne le grand philosophe, éternel jeune homme, trouble par naïveté et aveugle parce que professeur, face à Maïa Guéritte, fabuleuse, belle, biche, exigeante et humaine, incroyablement juste, la diction parfaite des vrais grands comédiens, une révélation à l’avenir constellé. Bravo !
Les quelques cafouillages de l’adaptation ("Saxonia", ce serait bien la Saxe, non ? et erreurs de concordance des temps) ne réussissent pas à gâcher le plaisir d’un moment rare, intense, exceptionnel. La mise en scène, simple, sert parfaitement le texte.
Le public, ému, ovationne l’excellence. Moment rare et précieux dans un lieu qui en propose souvent. |