Le 27 février dernier, nous quittait l'ancien résistant Stéphane Hessel ; en 2010, son manifeste Indignez-vous !, appelant à une saine révolte face aux inégalités et aux faiblesses du temps, avait été un véritable phénomène éditorial.

Dans son Eloge du non, Jean-Claude Lamy n'incite pas directement le lecteur à la rébellion, au refus ou à l'engagement politique, mais dresse un panorama des grands refusants du vingtième siècle, dont Hessel fait évidemment partie.

La collection "Eloge de...", dirigée par François Cérésa, se propose de tirer de chaque vice sa vertu, de chaque notion négative le positif. Toutefois, le "non" dont il est ici question peut-il vraiment être mis sur la même étagère que la l'arrongance, la trahison ou le mensonge, objets d'autres opuscules de la même série ?

Pas besoin d'ironie ou de sens du paradoxe ici pour défendre ce "non" que Lamy place d'emblée du côté de la noblesse de l'intellect et du courage politique. En témoignent les grands moments du sommaire : "Résistance", "Indignation", "Liberté", "Oser". Chacun de ces chapîtres est une succession d'anecdotes et d'aperçus rapides sur des moments historiques, articulés comme par association libre dans le cours d'une conversation. Tout cela va très vite, est assez allègre mais un brin difficile à suivre. Avec la figure du Général de Gaulle en fil rouge, on croise en un rien de temps une foule de personnalités de la vie littéraire française, aussi bien que le Commandant Massoud, Jean-Paul II ou Barack Obama.

De temps à autre, Jean-Claude Lamy, dont la longue carrière de chroniqueur lui a permis de rencontrer nombre de célébrités de premier plan (et de devenir, par exemple, un proche de Françoise Sagan), fait allusion à des moments de sa vie et occasions qui lui ont permis de côtoyer l'un ou l'autre "négateur". La réflexion sur le "non", sa pertinence et sa force, se présente moins sous la forme d'un argumentaire structuré et exposé point par point, qu'infusée au travers de cette galerie de portraits, comme les encadrés d'un grand dossier dans la presse magazine, ou une sorte de bande-annonce. La page la plus représentative de ce petit livre dans son ensemble est peut-être la toute dernière ; en quinze lignes, Jean-Claude Lamy parvient à unir dans un même mouvement de négation le "no, no, no" d'Amy Winehouse dans Rehab et le philosophe Alain : "Penser, c'est dire non".