Alors oui, l'affiche ce soir là était quelque peu particulière.
Mais si vous voulez bien, laissons pour le moment ces histoires et évoquons d'abord le seul souvenir que l'on veut garder : ce soir là, on a vu Mendelson en concert.
Groupe rare tant sur scène qu'en qualité, c'est leur deuxième concert depuis 2009. "Autant dire que c'est exceptionnel" comme l'introduit Pascal Bouaziz, chanteur, guitariste, homme des mots du groupe.
Et animateur de la soirée qui ne croit pas si bien dire. L'opportunité de cette venue, c'est la sortie de leur dernier album, éponyme et triple, à la force pour ainsi dire indicible (voir la chronique parlante de Cédric Chort en ces pages).
Dans la vie sur ses albums, Mendelson, c'est surtout une voix en avant. Douce dans sa texture, dure dans ses mots, sans cruauté que celle du quotidien, un quotidien de l'usure, du désenchanté, où le bonheur et l'innocence ne sont qu'a posteriori, passés, dépassés sans que l'on sache. Où parfois la bonté émeut au point qu'on veuille la détruire. C'est une relation intime parce que pas fière et touchante.
Dans la vie sur la scène, on retrouve ça. Et c'est différent bien sûr. Mais à tel point, c'est une joie. Déjà la voix est là, mais l'homme est là. Qui présente poliment, amuse éloignement, "Est-ce que vous êtes froids ?… Tant mieux".
Seul, debout, entouré de quatre musiciens assis en arc de cercle, il occupe l'espace en voix sans effets. Il suffit des premiers mots du premier titre (premier du triple également) : "La force quotidienne du mal…" et boum, coup de poing sourd, on restera sonnés jusqu'à la fin.
Mais c'est aussi l'homme qui à la fin des titres tripote un peu des pédales qu'il semble découvrir, un petit carnet pense-bête à la main, aux croquis illisibles. Tellement accessible à la fin du concert, désarmant de gentillesse. Intelligence des émotions.
Autre étonnement fantastique : ici la musique prend presque le dessus. On la savait riche, elle devient impressionnante de l'ordre de l'empreinte, une pression. Sur certains titres, deux batteries à chaque extrémité de la scène, c'est d'une force copieuse, appuyée, et les guitares électriques en apothéose. C'est le "bruit", la perturbation autour des mots qui prend corps, et ça bouscule, c'est ça le mieux encore que ce que l'on espérait ; et Dieu, qu'est-ce qu'on espérait !
Encore ? A part le traumatisme de tout ça réunit, que dire ? Qu'il y a des projections vidéos en fond de scène ? Des barbelés en rouages ensanglantés, des boucles sur voie sans issue, des courants d'eau – qui illustrent Ville Nouvelle dans cette version toujours aride mais plus urgente –.
Que Mendelson ne vit pas que dans nos cerveaux et nos tripes, ils sont sur scène excellemment, et le 23 mai au Cabaret Sauvage pour Villette Sonique. Qu'attendez-vous ?
Mais il faut recontextualiser un peu, pour que le récit soit complet.
Deux groupes partageaient l'affiche en vérité : pas de première ni de seconde partie, dit-on, toujours est-il que Mendelson jouait avant Fauve. Collectif de jeunes gens aux pratiques professionnelles un peu cloisonnantes, un peu chiqué, un peu "produit". Certes, le public présent est très majoritairement là pour eux (moyenne d'âge à peine pubère faisant foi). Certes, c'est le "phénomène" du moment, et il est sans doute bon qu'il en existe, mais quel étrange enchaînement.
Pour être honnête : deux petits bouts de titres et pas plus auront suffi : le premier concert veut subsister un peu dans nos oreilles, et ce jeune homme qui mitraille sa prose en arpentant la scène, intranquille, dispersé, peu compréhensible, la musique peu variée, peu riche, pardon mais pas ce soir. Evacuez le trop plein, grandissez, il y a de quoi laisser mûrir, sans doute, l'intention est louable, mais le contraste est trop brusque, trop maladroit.
On préfère remercier le bar du Grand Mix, sponsor officiel de nos calamités groupiesques, et dire encore à Mr Bouaziz, que c'est bien ce qu'il fait, putain.
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