Comédie dramatique de Stéphane Guérin, mise en scène de Pierre Notte, avec Raphaëline Goupilleau, Annick Le Goff, Yann de Monterno et Cyrille Thouvenin.
Avec "Kalashnikov", produit par le Théâtre du Rond-Point dont il est membre du Comité de lecture, mis en scène par Pierre Notte conseiller et auteur associé de ce même théâtre, Stéphane Guérin livre, sous forme d'un oratorio pour solistes, un reader digest qui agrège les thématiques récurrentes que sont la réappropriation des mythes, la famille pathogène et le pessimisme existentialiste face à l'état du monde.
Rien de nouveau donc sous le soleil de l'apocalypse annoncée, avec cette partition en forme d'état des lieux qui évoque, entre autres, le théâtre de la catastrophe de Howard Barker, la famille psychotique version rock anglo-saxon borderline à la Lee Hall comme celle tragique à la sauce telenovela sud-américaine de l'argentin Claudio Tolcachir et la dénonciation de la barbarie consumériste à la Rodrigo Garcia.
Sous l'égide d'un coryphée, oracle doublé d'un transsexuel brésilien qui veut devenir meneuse de revue à Broadway, et qui annonce une nouvelle ère caractérisée par une indifférenciation généralisée et le retour génésique à la matrice universelle calquée sur le mythe de la déesse-mère, une famille joue le retour de l'enfant prodigue, rapatrié sanitaire de la guerre en Afghanistan, qui vire à l'infernal trio oedipien.
Sur scène, un couple à la Deschiens, enfermé dans la haine conjugale et hypnotisé par une société de l'image qui leur injecte des rêves trop grands pour eux, débite une litanie de rancoeurs et d'idioties laissant leur rejeton se vouer aux gémonies.
A la mise en scène, Pierre Notte, qui est aussi auteur et comédien et connaît ses classiques du théâtre post-moderne, a bien pris le pouls de la partition dépourvue de dramaturgie intrinsèque et opté pour une mise en scène ascétique et statique reposant sur le jeu de comédiens qui en ont suffisamment "sous le capot" pour faire face à cette "dramaturgie éclatée".
Au plaisir de voir Cyrille Thouvenin, parfait en fils vaincu d'un combat perdu d'avance, Raphaëline Goupilleau, magnifique en épouse castratrice et dans le jeu de rôle de mère incestueuse, Yann de Monterno, remarquable en père dévasté, et Annick Le Goff, grandiose en pythie polymorphe. |