Comédie dramatique de Françoise Sagan, mise en scène de Ariane Raynaud, avec François Baillon, Clément Bourdeleau, Eva Freitas, Sidonie Gaumy, Clément Martin, Yoni Nahum et Laure Roldès.
La première de "Château en Suède" de Françoise Sagan s'est tenue en 1960 au Théâtre de l'Atelier. En 2013, la Suède est devenue l'autre pays du polar, Stieg Larsson, Henning Mankell ou le couple Maj Sjöwall - Per Wahlöö ont montré au fil de leurs romans noirs l'envers de la sociale-démocratie à la suédoise.
Ce n'était certainement pas l'objectif de Sagan, pourtant ses personnages agissent tous en parfaits psychopathes. Sagan quitte l'univers des oisifs bourgeois français pour dresser le portrait d'une famille de nobles décadents dont la famille vit, durant l'hiver, à l'écart du monde, isolé par la neige.
L'arrivée d'un cousin éloigné va transformer le quotidien, fait de parties de piquet au coin du feu, en marivaudage, en un jeu complexe de sentiments qui fera exploser les faux-semblants et les protocoles rigides qui rythment la vie au Château Falsen.
La Compagnie de la Troupe en Bois a décidé de s'intéresser d'abord aux côtés grinçants, décalés, voire absurdes, de la pièce pour transformer cette comédie de mœurs en un vaudeville humoristique proche de la partie de cluedo.
Sur scène, il y a d'abord Sidonie Gaumy dans le rôle d’Agathe, constamment suivie de son fidèle domestique, le vieux Gunther, interprété par François Baillon. Gardiens des traditions et des inavouables secrets de famille, les deux acteurs conservent, à de rares exceptions près et de ce fait, particulièrement remarquées, une rigidité de circonstance.
Il y a Hugo, le mari bigame, qui maintient sa première épouse, Ophélie, en détention dans sa chambre. Dans ces rôles, Clément Bourdeleau et Eva Freitas appuient sur le principal trait de caractère de leur personnage. Pour Hugo, massif et qui aime la vie simple et sans questionnements métaphysiques, Clément Bordeleau accentue les sourires francs, les répliques dites d'une voix forte, ou les regards noirs. Ophélie, rendue folle par l'isolement, bénéficie du sourire innocent d'Eva Freitas et de ses explosions hystériques ou malicieuses.
Yoni Nahum interprète le cousin de Stockholm, Frédéric. Il est au cœur de toutes les intrigues qui ont lieu au château. Tour à tour séducteur naïf puis gibier apeuré, Yoni Nahum montre une palette de jeu solide.
Complètent la distribution Laure Roldes et Clément Martin dans les rôles respectifs d’Eléonore et de Sébastien, frère et sœur aux rapports quasi incestueux, qui font preuve à la fois de potentiel comique et d'une belle élégance de jeu.
En choisissant d'aborder la pièce de Sagan sous un angle comique et de thriller sentimental, la metteur en scène, Ariane Raynaud multiplie les clins d’œil. On pense à "Huit femmes" de François Ozon pour le rythme, la danse ou l'omniprésence de musiques modernes comme Björk ou Klaus Nomi en décalage du visuel, mais aussi à "Scoubidou" pour les personnages cachés dans des portraits accrochés au mur qui surveillent les autres protagonistes.
Ariane Raynaud impose donc une lecture moderne et résolument comique de la pièce de Françoise Sagan.
Il faut aussi saluer le travail réalisé par Thalassa Albertin sur le décor et les costumes, travail rendu possible par une quarantaine de contributeurs à un projet de crowdfunding.
Une histoire délirante, des répliques cinglantes et qui font mouche, une mise en scène vive, de jeunes acteurs volontaires et énergiques, la version de" Château en Suède" par la Troupe en Bois est une réussite. |