Incisive. Mell est une chanteuse qui aime jouer avec les mots, comme le montre d’emblée le titre de son nouvel album Relation Cheap. Mais elle ne joue pas seulement avec les mots, elle joue aussi avec les sentiments. En cela cet album est une peinture plutôt cruelle de la vacuité croissante dans les échanges de la vie moderne. Qu’ils soient amicaux, amoureux ou simplement courtois, Mell montre les rapports à l’autre de plus en plus ténus, qui ne tiennent plus qu’à un fil. Son constat est triste et désabusé.
En dépit d’une musique matinée d’influences rock et new-wave largement revendiquée, le ton n’est pas à la gaudriole. Cela n’empêche pas l’humour d’être présent dans les textes : il s’y cache bien et ne transparait qu’en le cherchant avec attention, en le débusquant. Et lorsqu’enfin il apparaît, il se montre sous les atours de la couleur qui lui sied le mieux : le noir. Mell "dit se qu’elle pense et pense ce qu’elle dit" comme elle aime à le rappeler.
L’énergie dans ses textes peut amener à faire penser à des interprètes contemporaines comme Carmen Maria Véga ou Anaïs : Il y a pire comme référence. Mell dégage une énergie sans limite et prend son auditeur par la main pour l’emmener dans une galerie de portraits, sorte de musée Grévin musical, où chaque rencontre est prétexte à une chanson parfois cruelle, parfois piquante mais toujours teintée d’humour même si celui-ci n’est jamais qu’un antalgique pour lutter contre une douleur omniprésente.
Toutefois, un brin masochiste et rassuré par notre guide, c’est avec plaisir qu’on se laisse emporter et qu’on parcourt ainsi les couloirs. Chaque chanson jalonne un chemin fait de rencontre et d’expérience que la chanteuse nous fait partager. Elle y parvient d’ailleurs fort bien, d’autant que sa musique rythmée et légère fait, fort opportunément, contrepoids à la noirceur du tableau et donne encore plus envie d’aller de l’avant.
La chanson "Mon Amour" posée sur une mélodie si facilement mémorisable serait un tube en puissance si elle n’était pas une chanson de désamour, une chanson apte à effrayer les stations de radio et leur sempiternelles "happy-end". La chanson "Sur le départ" emplit huit minutes d’écoute pendant lesquelles on se laisse charmer par le chant construit et déconstruit d’une guitare qui s’exprime sans retenue. L’ensemble de l’album est à l’avenant : piquant et surprenant.
A l’instar d’un poème de Rimbaud ou qu’une nouvelle de E.A Poe, Relation Cheap est une œuvre sombre mais belle. Succombez, vous ne le regretterez pas. |