Si Miss Kittin n’est plus à présenter, il est utile de rappeler que la musicienne française – active depuis les années 90 – fait partie de ceux qui ont promu la musique techno avant d’être de l’avant-garde minimale et électro-clash. Ayant acquis ses lettrines dorées dans les milieux underground de Berlin, elle n’accède à une véritable renommée que tardivement. Pour autant, certains de ses titres comme "1982" (avec The Hacker) et "Frank Sinatra" (et rebelote) furent des chansons qui écumèrent les clubs à travers tout le globe. Puis elle accède peu à peu à une reconnaissance généralisée, de l’ombre à la lumière, grâce à son DJ set en 2006 au festival Sonar de Barcelone. Ou encore grâce à sa reprise du titre d’Indochine, "3e sexe", pour le parfum Madame de Jean-Paul Gaultier et qui lui valut d‘assurer la première partie du même groupe au Stade de France en 2010.
Bref, Miss Kittin est loin d’être une débutante et peut se prévaloir d’une collection d’albums, EP et autres mixtapes longue de plus d’une douzaine d’opus.
Que ce soit avec son dernier album en date, Calling From The Stars, ou avec ses productions précédentes en solo ou en duo avec The Hacker (pas moins de 5 albums), la recette "Miss Kittin" est d’une simplicité efficace et épurée qui a gagné en qualité au fil du temps. Les titres se présentent avec une approche assez pop, une ou deux boucles électro, une légère dose bien sentie de minimal et surtout des franches coudées d’expérimentations qui tirent leurs influences dans les années 80 ou le rock industriel (oui oui) ! Et comme la musicienne est du genre prolifique, l’album en question est un double album enchaînant pas moins de 23 pistes.
De là, Miss Kittin s’offre un véritable jubilé sur le premier cd, qui s’ouvre sur l’excellent "Flash Forward", une piste qui augure des 12 prochaines qui s’alignent toute sur une rythmique entraînante, très pop. D’ailleurs, "Bassline" et "What To Wear" rappelleront à certains les productions de la chanteuse Peaches, les lyrics mis à part. Car ici, les paroles anglophones font les frais d’une certaine infertilité, (ça vole pas toujours très haut) mais c’est aussi en grande partie la signature de la chanteuse : un univers parfois froid, saturé de boucle électronique que des lyrics simples et décomplexés finissent de parachever. On appréciera la petite reprise du célébrissime titre de R.E.M., "Everybody Hurt", dépouillé au possible mais plutôt réussie !
La seconde partie, forte de 10 titres, joue allégrement la carte de l’expérimentation musicale. La voix se fait rare et les pistes jouxtent plus facilement les 6 minutes contrairement à la première partie où les chansons s’offraient le luxe d’un format radio ne dépassant pas les 4 minutes. De fait, cette partie laisse le champ libre à la DJ qui explore ses sonorités à la manière d’un Trent Reznor électronique (le titre "Mind Stretching" sur le cd 2 et "Tears Like Kisses" sur le cd 1), les déformant à répétition avant de les rhabiller avec d’autres sonorités improbables, 8 bits, chœurs, beep et autres synthés. C’est une seconde partie épaisse et bien plus difficile d’accès que la première et qui peut déconcerter le plus courageux des auditeurs.
Calling from the Stars est un album qui, bien qu’inégal par endroit, s’avère être un produit ambitieux qui jongle entre les atmosphères et qui fait le pari courageux de retenir l’auditeur pour plus de 1h30 d’écoute ! |