Jeune virtuose du piano, instrument qu’il pratique depuis l’âge de deux ans, Tigran Hamasyan semble être habité depuis ses débuts discographiques par l’idée de s’ouvrir au plus large éventail musical possible. Une fenêtre ouverte vers différents styles qui lui viennent peut-être d’une immense culture acquise grâce à une famille éprise de musique, rock pour le père, jazz pour un oncle et au contact de ses différents professeurs de piano. Des influences éclectiques qui traversent sa discographie mélangeant musique traditionnelle Arménienne, musique pop, le métal complexe de Meshuggah, le be-bop ou encore le jazz fusion façon Chick Corea.
Les ombres qui habitent le théâtre du monde, le nouveau disque du pianiste, sont aussi bien les âmes du folklore arménien que les fantômes de Debussy, Ravel ou Chostakovitch. Une invitation à ce qui ressemble fort à un drôle de voyage qui débute dès les premières secondes de "The Poet" où le piano joue au jeu de dupe en se travestissant en cymbalum. Tigran dévoile rapidement de grandes qualités de compositeur, avec une belle acuité et sensibilité harmonique doublée d’une capacité à faire jaillir de ses doigts une rythmique (très souvent asymétrique ou irrégulière) impressionnante. Des doigts agiles donc mais également un toucher de velours au service d’un bouillon de culture jazz. Sa rencontre déterminante avec la chanteuse Areni Agbabian lui permet un retour à la source de son enfance à Gyumri et de la poésie Arménienne.
Désireux de s’affranchir des barrières stylistiques (de genres, de formes, harmoniques ou rythmiques), Tigran Hamasyan se situe à la croisée du rock, du jazz, de la musique traditionnelle (et non folklorique, nuance !) et du métal, un jeu d’équilibriste que l’on retrouve dans son interprétation au piano comme un fil tendu entre le corps, l'esprit et les sentiments. |