Et voilà : dernier jour, derniers concerts, pour le dernier festival de l'été. On épluche la "gazette", cet excellent petit journal du festival qui sort tous les jours et permet d'appréhender de façon originale la journée à venir, en sirotant une dernière Oubliette. Un brin nostalgique, on reprend le chemin des crashs en traînant un peu la patte, quand même, parce que les dizaines de kilomètres parcourus depuis trois jours ne laissent pas le corps sans séquelles. Alors que je somnole à l'espace presse, bercée par le briefing des organisateurs préparant la conférence de presse qui fera le bilan du festival, j'entends au loin les rires hilares des festivaliers qui, fesses à terre au milieu du Stade Bayard, se gondolent devant un énergumène de la compagnie Bruit qui court. On ne se fait pas de mal, donc, et on attend sereinement cette programmation tout en douceur parfaite pour un dimanche de pré-rentrée.
Mila Marina
De nouveau, la scène découverte fait mouche. Elle est actuellement habitée par une belle plante qui, ô joie, taquine la harpe avec dextérité. La voix est cristalline, rappelle même dans certaines inflexions une Beth Gibbons des meilleures années, la maîtrise est assez incroyable et les deux acolytes qui l'entourent font pâle figure à côté. Oui, il y a bien de petits problèmes techniques, qui installent un silence sans fin au début du set. Oui, il y a bien un petit manque de relation avec le public, la timidité sans doute.
Mais les envolées lyriques sont telles, que du haut de ses vingt-quatre ans, la demoiselle impressionne : on aime le mélange de la chanson, de la harpe, et de l'électro, le tout dans une atmosphère douce et glamour qui conquiert un public qui a décidément bon goût. A découvrir.
The Skints
Ceux qui connaissent un peu mes goûts musicaux savent que le "reggae" et moi sommes fondamentalement à l'opposé. Mais The Skints propose une formule intéressante, entre reggae, dub et ska, le tout mené par une Marcia Richards charismatique - et qu'il nous plaît de voir au saxophone et des musiciens inspirés. Le scénique est réel et les remerciements au public nourris. C'est lent, voire très lent, mais pas si désagréable.
Nightbush City Rockers
Il ne suffit pas toujours de prendre une vieille casserole pour faire une bonne soupe. Il ne suffit pas de hurler dans un micro en déformant son accent anglais pour faire du rock. Il ne suffit pas de sauter en l'air et de jouer avec les photographes pour être une rock-star. Bref, vous l'aurez compris, l'agacement est grand : le tout a un côté rock vieillot et très cliché, et sonne un peu, oserai-je dire, comme dans une guinguette bon marché pour motards dépressifs... On passe notre chemin en grimaçant.
Heymoonshaker
Ainsi, le Cabaret Vert m'aura permis de prendre une claque musicale par jour – merci à monsieur le programmateur. Voici donc venue la dernière. Heymoonshaker est une sorte de face à face crucial et précaire entre un beatboxer et un guitariste blues à la voix nécessairement éraillée – doux euphémisme dans le cas présent. Rectifions : le face à face se transforme en quelques secondes en une symbiose improbable et magistrale. Le coup de force musical qui se présente devant nos yeux nous fait décrocher la mâchoire, et abandonner, chose rare, l'appareil-photo.
Valerie June
De fait, Valerie June, qui prend la suite immédiate des Heymoonshaker, propose un set bien fade. On reste éprise de son look, de ses influences, mais sa voix dérange de façon croissante – bien plus qu'aux Eurocks d'ailleurs : est-ce le deuxième effet Kiss Cool d'une groupe vu il y a peu ou bien les balances ont-elles été approximatives ? De plus le deuxième morceau est assez... ridicule : jouer à un doigt sur une Hagström rutilante... On a vu mieux. La belle fait un carton en ce moment, mais il va falloir qu'elle fasse un petit effort, côté sourire et échange avec le public. On ne lui reprochera pas les lunettes noires : comme un certain nombre d'artistes, elle chante... les yeux fermés.
The Moodhundters
Dernier groupe découverte du festival, ils se placent plutôt en haut de tableau dans tout ce que j'ai pu voir de local depuis quatre jours. La soul est sympathique, la chanteuse de qualité – on reconnaît immédiatement son style, puisqu'on l'a vu l'an dernier avec les Big Guns, si ma mémoire ne me fait pas défaut -, on dodeline de la tête et on approuve sans hésiter. Rien de bien original ni de très folichon, mais techniquement ça assure – alors que demander de plus ?
Keziah Jones
À peine le reconnaît-on quand il entre sur scène. Oubliez l'homme mystérieux au chapeau immuablement vissé sur la tête. Keziah Jones est un autre homme, et ça lui va plutôt bien. Le début du set est très explosif et très apprécié. Même si sa blufunk se tasse au cours du set, on reste tout à fait admirative et notre Cabaret Vert se conclut sur une note chaude et positive.
Moralité : à la conférence de presse "bilan", les organisateurs ont la mine joviale. On insiste sur les "valeurs" éthiques du festival, sur le fait qu'on refuse des bénévoles et qu'on est dans les dix plus gros festivals français. On donne des chiffres, on souligne la singularité de la proposition "Cabaret vert", qui n'est pas seulement tournée vers la musique mais également la BD et les Arts de rue. On remercie le climat, aussi. Bref : on envisage avec joie la prochaine édition, qui fêtera les dix ans du festival. Je fais une confidence : j'ai déjà hâte d'y être... |