Comédie burlesque écrite et mise en scène par par Alan Boone, avec Jean-Claude Cotillard, Zazie Delem et Alan Boone.
Avec "Fin de série", Alan Boone, Jean-Claude Cotillard et Zazie Delem osent une comédie grinçante, douce-amère, et néanmoins hilarante sur un sujet perçu comme délicat sinon sensible, la catégorie de population de la partie supérieure de la pyramide des âges.
Autrement dit, les vieux qui, au gré d'un vocabulaire soumis aux diktats de la bien-pensance et du jeunisme, furent successivement les petits vieux, les têtes blanches, les retraités, le troisième âge, puis désormais, à l'époque du consumérisme triomphant une convoitée cible marketing, les seniors.
Le trio propose une immersion dans une journée-type d'un couple de vieux dans l'entre-deux avant le naufrage, un couple sédentaire bien éloigné des ressuscités de Sun City mais qui s'accrochent encore. Au terme d'une période de vie commune présumée longue, sont épuisés tant les exultations du corps et les emballements du coeur que les sujets de conversation.
Miroir l'un de l'autre, ils partagent un quotidien scandé par les habitudes maniaques érigés en automatismes ritualisés, les mesquineries conjugales, avec des chamailleries puériles qui confinent parfois au sadisme, et les incursions intempestives mais virevoltantes d'un tiers bonimenteur qui, du médecin au VRP spécialisé dans les équipements et services dédiés, ponctionne leur portefeuille.
Le portrait est sans concession mais néanmoins emprunt de tendresse pour des personnages qui, d'une certaine manière et à leur façon, sont embarqués dans une tragicomédie à deux et en résistance contre l'inéluctable de la finitude humaine
Exigeante en sa forme, la partition, qui ressortit au théâtre gestuel inscrit dans la tradition du duo de clowns et à la pantomime burlesque à la Tati, est réglée comme du papier à musique et mise en scène de manière quasiment chorégraphique ce qui ne supporte aucun faux pas dans l'interprétation.
Pour assurer cette performance scénique nécessitant des officiants aguerris, outre Alan Boone qui assure avec facétie les intermèdes avec l'irruption des visiteurs, deux comédiens rompus à la scène qui sont époustouflants tant par leur transformation physique - le vieillissement engendré par la posture physique de l'âge - que par leur étourdissant et jubilatoire pas de deux.
Dans le décor conçu par Charlotte Smoos, une pièce à vivre qui fleure le deux pièces-cuisine désuet couleur grisaille avec chat miaulant, oiseau chanteur et poisson rouge bullant, et dans laquelle le temps s'est figé nonobstant les velléités de la pendule à coucou, Jean-Claude Cotillard campe parfaitement, et avec délices, le mari pacemakerisé rabougri, souffre douleur revanchard rajustant sans cesse ses binocles flottantes sur un faciès ratatiné.
Méconnaissable en échalas revêche et déféminisée, Zazie Delerm, est excellente en Mère Fouettard, qui n'existe que par la bonne volonté de sa chère moitié, menant cette irrésistible danse de mort au comique irrépressible.
Une "fin de série" résolument réussie et roborative et donc totalement indispensable. |