Réalisé par Sharon Bar-Ziv. Israël. Drame 1h30 (Sortie 9 octobre 2013). Avec Sia Naifeld, Guy Kapul Ohad Hall, Udi Persi, Rafi Kalmar et Hilly Israel.
Pour son premier film, Sharon Bar-Ziv n'a pas choisi la facilité : "Room 514" est un huis clos austère, tendu, oppressant, où s'affrontent, entre les quatre murs d'une pièce exigüe, deux destins, deux visions, deux incompréhensions.
La pièce 514 est une salle d'interrogatoire de l'armée israélienne à l'intérieur de laquelle sont interrogés les militaires accusés d'infractions.
Ici, en l'occurrence, un officier de haut rang doit s'expliquer sur sa conduite envers un Palestinien. Pour Anna, la jeune militaire chargée de l'instruction, les violences qu'il a commises sont inadmissibles. Quoi qu'il lui en coûte, elle a donc décidé d'aller jusqu'au bout.
Tourné en quatre jours, "Room 514" n'a pas le temps de prendre son temps. Dans une économie de moyens propice pour aller à l'essentiel, Sharon Bar-Ziv ne relâche jamais la garde. Anna, toute en tension, a le regard intense de la jeunesse encore idéaliste confrontée à la sale réalité des adultes. Elle découvre dans celui qu'elle interroge, et qui n'est guère plus âgé qu'elle, les compromissions, les petits arrangements avec la vie réelle, avec les belles choses écrites dans les livres, les constitutions, les discours.
Mais Sharon Bar-Ziv n'est pas dupe de cette opposition binaire. En choisissant le plan-séquence, en limitant les champs-contrechamps, il installe une proximité presque dialectique entre les deux protagonistes seuls dans la pièce.
Car c'est à un interrogatoire quasi charnel auquel on assiste, le visage inquisiteur d'Anna touchant presque celui de l'accusé, et si le droit s'oppose à la réalité, la pure réflexion à l'épreuve des faits d'un pays en guerre avec les autres et avec lui-même, on a souvent l'impression que leurs souffles sont bien prêts de n'en plus faire qu'un seul.
Et si tout cela, se terminait par un baiser ? Un baiser utopique qui pourrait sceller la réconciliation des deux Israël...
"Room 514" de Sharon Bar-Ziv évite tout manichéisme. On se demande même s'il prend vraiment parti, ou le parti qu'on attend qu'il prenne...
Dans l'épilogue de ce récit, dans le retournement dramatique final, on s'interroge : n'a-t-on pas tout simplement suivi un film dans la lignée du "Limier" ou des fictions d'un David Mamet ? Est-on vraiment devant un pamphlet politique ?
Contrairement à bien des films qui s'appuient sur une inquisition, on ne sait plus trop à la fin qui a tort et qui a raison et surtout s'il fallait choisir.
Chacun a ses raisons, il les paie de son intégrité physique ou morale. Quant au spectateur, il doit se contenter d'un certain désarroi, celui qui doit être au cœur de tous les citoyens de ce pays bizarre où une jolie femme peut jouer les procureurs et un homme intègre perdre les pédales de sa morale.
"Room 514" de Sharon Bar-Ziv est une œuvre forte, dont on comprendra peut-être tout le sens quand la situation politique israélienne aura, elle aussi, connu son ultime dénouement... |