Une grande claque dans les dents. C’est à peu de chose près l’effet que m’a fait la lecture de ce livre. Un premier roman plus que réussi de Philippe Savin : Je serai toujours là. Le ton est donné au premier regard : une jeune femme, trois-quarts dos, un énorme tatouage fait de roses et de barbelé dans le dos. Passion + souffrance = thriller. Raccourci évident et juste.
Il vit dans le Sud de la France, sa cinquantaine se profile à l’horizon, mais quelle importance ? Il pourrait vivre en Corrèze et avoir 80 ans que son talent aurait le même effet. Dès le prologue, Philippe Savin nous plonge dans l’horreur des angoissantes scènes finales des thrillers les mieux côtés. "Il y a des vérités qu’on ne devrait jamais découvrir"…
Nathan Prieur est un flic de Paris, récemment affecté dans les Cévennes, après une affaire glauque. Il y mène une vie plutôt tranquille avec sa femme et ses deux filles, dans la jolie maison héritée de ses beaux-parents. Madame (Karine) est artiste peintre, Lucie est l’adolescente bravache de 16 ans et sa petite sœur Chloé rêve de journalisme et d’investigation (les gènes de papa en somme).
Lucie disparaît. Peu de temps après sa meilleure amie est retrouvée morte, sauvagement torturée, les os brisés, la moitié de son corps brûlé. Une horreur. Nathan Prieur devient une sorte de Liam Neeson, à la recherche de sa fille. Vivante ? Morte ? Qui ? Pourquoi ? Une vengeance ? Une mauvaise fréquentation ?
Autour de lui, sa famille semble s’écrouler, la tristesse, la culpabilité, l’absence, tous ces sentiments se mélangent pour former une ambiance tendue, une atmosphère chargée d’électricité dans laquelle le lecteur évolue à tâtons, craignant de tomber nez à nez face au monstre, au mal qui rôde. Nathan peut-il compter sur ses collègues ? Ses amis ? Peut-il compter sur lui-même ?
Non seulement Je serai toujours là est haletant, mais il s’inscrit en plein cœur de notre société, du monde tel que nous l’avons façonné. A tel point que nous nous demandons si cette histoire ne nous est pas déjà arrivée. Si nous n’avons pas déjà entendu un reportage retraçant une telle horreur. Lucie est exactement à l’image des adolescents de notre siècle : bercés de télé-réalité, pétris d’interdictions parentales (justifiées) et d’envies de rébellion.
Au fil de l’enquête au sein des services locaux, puis à son propre compte, Nathan Prieur s’englue jusqu’au cou dans des pistes lui faisant présager les horreurs les plus plébiscitées par Zone Interdite, Complément d’Enquête ou Faites Entrez l’Accusé… Du glauque, du pas fréquentable, des mauvaises rencontres, des connards, des obsédés, des trafiquants, des maquereaux… et toute la brochette de pourritures associées au crime et au vice en veux-tu en voilà.
Mais Philippe Savin a ce don de rester pudique et de ne pas virer au spectaculaire dans l’horreur, il n’en fait pas des tonnes, mais ses phrases courtes et ses transcriptions des pensées de Nathan nous touchent droit là où il faut.
Hors de question que je vous spoile la fin comme un sale geek qui n’aurait que ça à faire. Je ne vous dirais pas s’il retrouve sa fille. Seulement que la fin n’est pas là où on l’attendait. Et que c’est exactement ce qui fait tout l’intérêt du roman. Palpitant, angoissant, inattendu, Je serai toujours là vous laissera à bout de souffle, l’inquiétude et le frisson à fleur de peau. |