Comédie dramatique de Samuel Beckett, mise en scène de Jean-Claude Sachot, avec Philippe Catoire, Jean-Jacques Nervest, Dominique Ratonnat et Vincent Violette.
Dans la vacuité d'un espace-temps indéfini, deux vagabonds en guenilles passent le temps en attendant l'arrivée hypothétique et toujours reportée d'un troisième homme.
Le no man's land désertique et désolé d'une tourbière avec un squelette d'arbre et une pierre sous un ciel impassible, une "route de campagne avec arbre" précise Samuel Beckett, l'auteur du texte de "En attendant Godot".
Un environnement lugubre pour deux personnages tragi-comiques qui ne se débattent même pas dans la "merdecluse" de la vie et qui attendent, dans un profond ennui auquel ils ne peuvent se soustraire malgré leurs vaines tentatives de divertissement, la fin de l'histoire. Car la seule certitude tient à la finitude et au non-sens de la vie qui est donnée par une femme qui "accouche à cheval sur une tombe".
Tout tourne à vide, rien ne se passe, et les propos échangés, des phrases courtes qui semblent sortir d'un recueil de sentences et phrases toutes faites ("Le grand air ça creuse", "Le fond de l'air est frais", "Ce n'est pas folichon", "Tu attends toujours le dernier moment", "C'est long mais ce sera bon", "C'est trop pour un seul homme"), ne parviennent pas à larder le pesant silence ambiant.
Depuis plus d'un demi-siècle, cet emblématique opus beckettien fascine avec sa non-situation qui exacerbe une quête de sens que l'auteur s'est refusé à expliciter nonobstant l'abondance des didascalies dont il a truffé la partition.
Jean-Claude Sachot s'est lancé dans l'exercice avec sagacité et livre un très beau travail qui est dispensé sur scène par un quatuor de comédiens parfaitement distribués qui, tous dotés d'un timbre de voix exceptionnel et du discernement dans le dire, délivrent une excellente prestation en insufflant une lueur d'humanité aux carcasses becketiennes.
L'humanité c'est eux : Vladimir et Estragon, respectivement Didi et Gogo dans l'intimité de leur duo clownesque, sur scène respectivement Dominique Ratonnat, le clown blanc celui qui se rappelle et qui sait mais qui n'en est pas plus avancé pour autant, et Philippe Catoire, l'Auguste pleurnichard à la mémoire de poisson rouge, toujours préoccupé par ses impératifs physiologiques, qui voudrait bien mais ne peut pas.
C'est aussi un autre duo, Pozzo campé par Jean-Jacques Nervest, le colosse aux pieds d'argile face au malingre esclave aux cheveux blancs prénommé Lucky interprété par Vincent Violette, celui du maître et de l'esclave, avec toute la dialectique ambigüe du lien de soumission, qui de celui qui accepte le collier et de celui qui tient la laisse est le vrai maître du jeu, qui vient les divertir.
Et puis Nadine Delannoy qui actionne la marionnette qui remplace l'enfant messager, lui aussi amnésique, de Godot. |