Première des deux soirées tourquennoises du Festival des Inrocks cuvée 2013. Ne pas se fier aux noms paternalistes des groupes présents : si demain ça folke-blueuse tranquille (avec Valerie June, Jacco Gardner et Lucius), ce soir on l'espère et on est là pour ça : ça devrait bouger un peu.
En ouverture du bal : Young Fathers et leur rap-soul parfois bien agité. Ils se la donnent comme s'ils étaient les vedettes américaines de la soirée (alors qu'ils sont écossais… par contre, le vedettariat à venir n'est pas exclu). Trois chanteurs, un batteur, des programmes, des éructations de toutes sortes, on n'échappe d'ailleurs pas à quelques envolées lyriques, mais rarement plus d'un couplet, bien vite écourtées par une danse endiablée sur un rap épileptique. Alors même si blouson-à-clous-dorés, même si queue-en-peluche-battant-sur-une-cuisse-en-leggings (sans vouloir vous imposer d'images scabreuses), ça n'en est pas moins une très bonne entrée en matière pour s'assouplir cervicales et genoux.
Viennent ensuite les californiens de PAPA et là, comment dire, le soufflé de nos articulations retombe à plat, ouille. De la pop proprette qui sonne très 90's, avec harmonies vocales de bon aloi. Leur premier album s'appelle Tender Madness. Surtout Tender, clairement. Lu à leur sujet : "une force à l'ambition carrément américaine !". Mouais, c'est-à-dire : calibrée. Ils sont quatre, de front, le son est nickel, le rythme carré, mais une idée s'impose au-delà de tout : le batteur-chanteur ressemble terriblement à Llewyn Davis, le folk singer du dernier film des frères Coen. Ça n'a rien à voir, mais c'est dire à quel point leur set est captivant.
Nous voilà sauvés : These New Puritains approchent. Là captivés : oui. Et justement, ça n'est pas le déferlement de gros sons, de rythmes lourds qui en imposent : c'est un peu en dessous que ça se passe. Aux titres du précédent album Hidden, très efficaces, martel en tête et déjà bien sombres, tels que "Attack Music" ou "We Want War", se mêlent quelques uns du nouvel album, Field of Reeds, clairement plus dans la latence, la persistance, mais loin de l'apaisement. Des mélodies au fond un peu malsain, une douce migraine, tu sais bien qu'elle va t'avoir, laisse aller. Même si la voix du chanteur est difficilement audible, c'est sa mélopée et celle de la chanteuse qui l'accompagne qui marquent et qui comptent. Une nappe de brouillard parmi d'autres dans ce champ de roseaux.
Il n'y a pas de guitare dans le groupe. C'est assez rare pour être souligné. Il n'y a pas de guitare mais il y a des cuivres et du clavier. Et là bim, l'esprit malade pense : Woodkid. Alors éclaircissement : ce qui sonnerait chez le français comme un rideau de perles, c'est dans cette Angleterre-ci une bouchée de verre pilé qu'on mastique.
Une découverte sympatoche, un… entracte, et un groupe connu qui se révèle : les trois mamelles de cette soirée de festival inrockuptible dont les vertus remuantes auront joué sur des plans inattendus. La saison commence, plutôt pas mal. |