Pour son premier roman, Guillaume Staelens a placé la barre à une belle hauteur puisqu'il indique avoir voulu non seulement brosser le portrait de l'Amérique des années 1990, "celle que nous avons tous connue du moins celle de ma génération" précise-t-il (il est né en 1973), mais également recréer un nouveau Rimbaud d'où le titre "Itinéraire d'un poète apache".
Las, Guillaume Staelens n'est pas un perchiste littéraire
et sa partition, qui manque de souffle et d'épaisseur, ne concrétise pas son ambition, d'autant qu'il s'attaque à la fameuse thématique de "la route".
Or, cette spécialité étasunienne liée aux grands espaces et à la (con)quête identitaire portée notamment par la Beat Generation, sillon maintes fois labouré par les plumes du cru, non seulement s'exporte mal mais a fait long feu et les pérégrinations du personnage-titre qui traverse le continent américain du Yukon à la Patagonie marquent un road-trip qui, par ses descriptions factuelles, ressortit davantage aux notes de voyage d'un touriste.
Quant à son avatar rimbaldien, il a pâle visage d'une figure de papier et ses motivations demeurent floues alors même que sa naissance entre l'Amérique triomphante d'un père "wasp" héritier d'un empire de l'industrie aéronautique et l'intégration consentie d'une mère "native" de la tribu des Nez-Percés pouvait laisser accroire à l'aspiration rousseausiste du retour à la vraie vie des origines.
Cette problématique est cependant à peine effleurée. En effet, pour l'adolescent studieux doté d'un don pour le dessin, la rencontre "amoureuse" avec une artiste de dix ans son aînée qui l'initie aux "joies" de la fumette et de la culture grunge est déterminante et le conduit à une inexorable dérive.
Car si pour elle, adulte pragmatique qui sait reprendre ses marques dans la société consumériste, ce ne sont que posture d'artiste et concession à une mode ambiante, en revanche, lui cède au mirage du "no future" comme manifestation ultime de la révolte pubertaire, de l'aspiration utopique au nirvana et du mythe de l'errance, ce qui l'entraîne dans une fuite en avant autodestructrice et bien éloigné d'une expérience existentielle incarnée. |