Soirée belge au Grand Mix, de ces soirées comme on les aime, une salle pleine comme un oeuf, parcourue de cris enthousiastes, d'applaudissements débridés, d'interjections parfois bafouillantes, une fois les fûts du bar bien entamés. L'affiche est alléchante, le concert complet depuis des semaines.
C'est V.O. qui ouvre le bal, trio bruxellois (habituellement sextet en fait) à la pop louchant vers l'americana, et dont le chanteur a une voix qui ressemble tant à celle de JJ Cale (souvenir de cassette audio repiquée, circa…1986 ? Grands dieux).
Un trompettiste à lunettes et programmateur, une choriste à fossette, vibraphone et clarinette, accompagnent une sorte d'homme-orchestre à moustache.
Avec "seulement" deux bras - deux jambes et une bouche, il chante, joue de la guitare, fait la grosse caisse et la caisse claire, en même temps et franchement bien. Il fait un peu le spectacle, sans faire bête de scène ni monstre de foire. Les joies des possibilités de la dissociation corporelle. Au niveau des compositions, c'est par contre assez uniforme, et l'attention a un peu de mal à se fixer sur la longueur, mais ça reste ma foi une ouverture bien sympathique.
Et puis donc, voilà les Girls in Hawaii qui, comme leur nom l'indique, sont des jeunes gens belges. Actifs depuis une dizaine d'années, ils offrent à entendre une pop vraiment différente, musicalement riche, sensible sans sensiblerie, et dont le traitement des voix est quelque chose de vraiment étonnant.
Il y a trois ans, leur batteur est mort dans un accident de voiture. On a cru que ce serait la fin du groupe, et on en était bien tristes. Mais non : ils reviennent aujourd'hui avec leur troisième album, à la mélancolie forcément identifiée, mais à l'exigence musicale intacte. Et en guise de nouveau batteur, la bonne idée qu'est le moustachu doué de la première partie (il s'appelle Boris Gronemberger, au fait).
Tout au long du concert, ils mêlent des titres de tous leurs albums, aux énergies différentes, mais à la couleur toujours très identifiable : cette sonorité obscure dans les voix qui, à la différence des X groupes actuels à vocalises et choeurs un peu écoeurants, se fond complètement avec les autres instruments.
Deux voix dont l'association n'est a priori pas évidente, un peu saturées, douce-amères, qui sont portées parfois au nombre de six, appuyées par les trois guitares et la batterie omniprésente, on en arrive presque à un mur du son prégnant, intemporel, de ces groupes qui vont bien vieillir. Et le mélange des titres en est la preuve : pas une ride. Seul regret : le manque de basses, on n'était pas loin d'être pris aux tripes, dans tous les sens du terme.
Mais vraiment, faites-en encore plein, des albums qui sentent la mousse en forêt, le bois qui craque, le comptoir un peu poisseux, et la montagne étoilée ; avec des concerts tout pareils, s'il vous plaît, vous serez bien aimables.
Père Noël, si tu nous lis : j'ai été très sage et je voudrais bien un belge pour les fêtes. Bisous.
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