"21 heures, c'est une bonne heure pour se réveiller."
5 avril 1994, j’ai bientôt 16 ans et le monde s’effondre. Enfin le mien, et mon monde musical. A cette époque là, je ne jure que par Neil Young, Nirvana, Alice In Chains, Pearl Jam et Metallica. La mort de Kurt Cobain est un traumatisme pour moi et pour le reste de mon lycée qui ressemble fort à celui de Pause-café, pause tendresse.
Septembre 1994, rentrée scolaire dans un nouveau lycée, en centre-ville, plus proche du conservatoire où je passe mon temps et éloigné des petites frappes qui me servaient d’amis. Nouveau lycée, nouvelle classe, nouvelles rencontres. Quand je parle de Seattle, mes nouveaux potes ne jurent que par Manchester. Ils rigolent, je ne connais de cette ville qu’United… Quand on sèche les cours pour aller au Tabou ou à la Fontaine, fumer des clopes et boire des cafés ou des bières, on parle des filles et de musique. Mes nouveaux potes se connaissent depuis longtemps et partagent un triple secret. Magic, Les Inrockuptibles et Bernard Lenoir. Les deux derniers allant de paire.
Cette découverte changera définitivement ma vie. Le rock, le soir, c’est Lenoir et il n’était pas question de louper une émission. Entre 22h et 23h, je n’étais plus là pour personne, les oreilles rivées sur le transistor à écouter notre John Peel à nous…Je me souviens enregistrer tout sur cassette et réécouter les émissions le matin dans le bus comme un autiste. Pourtant, nous en étions loin de l’autisme car, arrivés au lycée, nous disséquions et dissertions sur chaque titre passé, sur chaque groupe découvert. Et il y en a eu une quantité astronomique. Et combien en avons-nous acheté ? Nos maigres économies y sont passées… Pendant de longues années, Lenoir m’a servi de chien d’aveugle dans le noir de la musique indépendante. Je sais que je ne suis pas le seul dans mon cas. Je sais que nous sommes nombreux, très nombreux. Je n’ai pas pleuré quand en août 2011, j’ai appris l’arrêt de l’émission, j’avoue que je ne l’écoutais plus beaucoup et j’avais déjà fait depuis longtemps le deuil des Inrockuptibles. En fait, Lenoir avait fait son œuvre, me donner les moyens de me forger mes propres goûts et apprendre à chercher par moi-même. Et puis l’envie de transmettre aussi.
Cette compilation, la deuxième du genre, retrace, un peu, cette période. Comme toute compilation, elle n’est pas exhaustive, on gardera pour soi les manquants mais comporte pléthore de groupes plus ou moins importants agencés avec sens et intelligence par Lenoir. On retrouve par exemple Pulp, Calexico, Eels, The Blue Nile, Catchers, The Go Betweens ou encore Sylvain Vanot. Souvent des artistes un peu plus récents que sur la première compilation. Alors merci Bernard, je me permets de te tutoyer, on se fréquente depuis si longtemps, pas spécialement pour ces compilations mais pour avoir été là. Sans toi, il y a des chances que cette chronique n’ait jamais existé. Je t’embrasse, tu as été si important. Ah oui ! Les blacks sessions des Auteurs et des Walkabouts (et toutes les autres…), tu penses les sortir quand ? |