C’est plusieurs mois avant la sortie de son second album, Samson & Delilah, que V V Brown avait sous-entendu son retour. Elle avait, en effet communiqué subtilement (ou peu s’en faut) sur le concert de The Knife (avec une avalanche d’éloge) à Londres et en lançant deux singles en parfaite dissonance d’avec l’identité musicale par laquelle elle fut découverte.
Ce fut d’abord le titre "Samson", reprenant la légende de l’homme invincible et qui fut très vite suivi par une vidéo au graphisme léché. Et déjà, on s’interrogeait sur ce brusque tournant qui faisait la part belle aux percussions, aux sons électroniques et surtout à une nouvelle technique entraînant son spectre vocal dans les graves. Puis le titre suivant, "The Apple", achevait de surprendre les fans de l’artiste, avec un single singeant la forme d’un pur hit clairement destiné à la population des dancefloors.
On devinait alors que la chanteuse qui fut découverte avec les titres pop "Shark In The Water" et "Quick Fix" s’élançait dans une audacieuse exploration de la musique électronique avec, comme principal outil, une boussole dont le nord pointait fébrilement vers l’album Silent Shout de The Knife.
Le spectre de ce dernier apparaîtra en surimpression sur tout l’album, d’abord en imposant d’énormes lignes de basse, comme véritable colonne vertébrale à la plus part des productions, ensuite, avec un chant propice à installer une ambiguïté des genres.
Ainsi, le surprenant "Igneous" s’offrira une épaisse basse dont l’omniprésence repeint le titre d’un noir profond, une obscurité dont même un inattendu couplet rappé par VV ne saurait percer. D’ailleurs, même les chansons qu’on imagine lumineuses, de par leurs titres ("Looking For Love", "I Can Give You More"), se doublent automatiquement d’un back vocal plus ou moins masculin, ce qui en plus de rappeler le style de Karen Dreijer, offre une agréable alternative à la voix autrefois nasillarde de la chanteuse.
On assiste ici à une évolution dans son style, s’apparentant à une courageuse métamorphose, la déplaçant des grandes ondes radios vers les milieux dit "indie". Heureusement, V V Brown n’a pas pris le risque de faire un copy cat des artistes précédemment mentionnés (ce qui au demeurant, aurait frappé l’album d’un énorme raté) et s’est entourée de têtes connues tant dans l’innovation musicale (Dave Okumu, encore lui) que dans les milieux plus électroniques (dont Pierre-Marie Maulini, ancien membre de M83). Autant d’intervenants qui ont réussi à forger à cet opus une identité aussi concrète que crédible et dont le seul point faible est et demeure le nom de la chanteuse. Prisonnière de son nom d’artiste, la chanteuse est sans cesse renvoyée à son ancienne image et peine à imprimer auprès du public son changement de style. |